- France
- Stade rennais
- Interview
Gourcuff by Gourcuff
Les observateurs et amateurs de football y ont longtemps pensé, les intéressés s'y sont toujours montrés réticents. Et finalement, l'association entre l'entraîneur Christian Gourcuff et son joueur de fils Yoann va bien avoir lieu, sous les couleurs du Stade rennais. Le technicien a accepté de nous expliquer comment il allait s'y prendre.
Il y a petit fantasme footballistique à imaginer Gourcuff père diriger Gourcuff fils. Comment vous percevez la situation ? Pendant longtemps vous étiez opposé à cette perspective…
C’est aujourd’hui possible parce que Yoann n’a plus le statut qu’il a eu. À cause des blessures qu’il a eu, et du contexte médiatique qu’il a vécu. On dépasse aujourd’hui le problème médiatique : lui s’est blindé, moi j’ai plus de recul par rapport à ça. Ce qu’il fallait aussi, c’est que cela soit accepté en interne par la direction du club. Il faut que les choses soient bien posées et claires. Il restera le problème de la gestion du groupe. Je me suis renseigné sur l’acceptation de la situation par le vestiaire, et sans avoir de certitudes, cela me semble possible. Après, il y a l’environnement externe, qu’on ne maîtrise pas complètement. On connaît les dangers, mais on pense aussi que Rennes, c’est l’endroit le plus favorable pour que cela se fasse.
À première vue, de l’extérieur, on peut penser que Yoann va être favorisé. Mais dans les faits, c’est sûrement plus difficile pour lui que d’autres joueurs ?
C’est ça, mais sur le plan médiatique il s’est blindé. (Il réfléchit). L’enjeu, c’est qu’il retrouve une intégrité physique. Je l’ai accompagné ces dernières années, je connais l’histoire, ses blessures… J’ai une idée sur ces problèmes, et je ne serai pas seul pour gérer. Mais l’enjeu, il est là : pas forcément de le remettre au niveau de 2009, mais faire en sorte qu’il ait tous ses moyens physiquement. Il n’y a pas de problèmes sur le plan technique.
Le contre-argument des sceptiques, c’est de dire que Yoann Gourcuff a un poste de prédilection qui n’existe pas dans votre schéma préférentiel, le 4-4-2 avec milieu à plat…
J’ai joué un long moment avec Morgan Amalfitano en soutien de Kevin Gameiro ou Marama Vahirua avec Rafik Saïfi. Le 4-4-2, ce n’est pas deux attaquants de profondeur non plus. J’ai aussi joué avec des milieux axiaux comme Fabrice Abriel, certes un peu plus défensif, ou avec Amalfitano ou Yann Jouffre en milieux excentrés. L’animation du jeu va tenir compte des personnalités des joueurs, pas que de celle de Yoann. S’il joue plus bas, il faudra quelqu’un de plus costaud défensivement que lui. Il y a une question d’équilibre collectif à trouver. L’organisation doit permettre d’inclure tous les joueurs, quelque soit les profils. Ce n’est pas des cases à remplir, les joueurs ne sont pas des pions. Avec Lorient, on a eu des animations différentes en fonction des qualités des uns et des autres. L’intérêt c’est de mettre en avant les qualités des joueurs.
Ce 4-4-2 c’est surtout une question de positionnement sur le terrain, de disposition…
Oui, c’est ça. Sur le plan défensif notamment, les choses sont claires, on sait qui fait quoi. Mais offensivement, on cherche à valoriser les qualités des joueurs et trouver des complémentarités. Si on a deux joueurs qui ne savent pas prendre la profondeur devant, c’est un problème. À l’opposé si les deux prennent la profondeur, cela va manquer de relais au milieu de terrain. Il faut composer des complémentarités pour avoir le collectif le plus riche possible. Le schéma offensif doit laisser cours à la créativité et mettre les joueurs dans les meilleurs conditions. Ce n’est pas une chape, c’est justement quand le joueur n’a pas compris le principe de jeu que cela devient stéréotypé.
Pour revenir sur Yoann et votre relation. Souvent, un fils cherche à faire différemment de son père. Votre relation semble paisible, il n’hésite pas à dire qu’il partage votre vision du football, n’a pas peur de marcher sur vos pas. Il ne cherche pas à « tuer le père » ?
Ma grosse satisfaction, c’est que beaucoup de mes anciens joueurs reviennent me voir pour parler football. Yoann est un peu dans ce registre-là. Même si cela n’a pas été l’un de mes joueurs, il m’a entendu. Il a fait par lui-même l’analyse, et il a une sensibilité qui lui fait ressentir les choses ainsi. Quand il était enfant, il était passionné, il trainait à l’entraînement, on regardait les matchs ensemble. Dans la période d’adolescence, il y a eu de l’opposition, mais il a vieilli, pris du recul, analysé…
Il deviendra entraîneur après sa carrière de joueur ?
Ce sera à lui de voir (il réfléchit). À chacun de trouver sa voie, entraîneur c’est une vocation. Cela se décide en fin de carrière. S’il y a un manque. Footballeur, c’est une vie particulière, de la pression, à la fin de carrière il faut prendre du recul. À un moment, il peut y avoir un manque, et le rôle d’entraîneur permet de retrouver ce contexte. Les satisfactions ne sont pas les mêmes en revanche. Mais bon, on a beaucoup médiatisé le rôle de l’entraîneur, on en fait trop. Les gros plans sur les entraîneurs pendant les matchs, c’est ridicule. C’est comme un metteur en scène, c’est important pour un acteur, mais on regarde les acteurs, pas le metteur en scène. Ce sont les acteurs qui comptent.
Propos recueillis par Nicolas Jucha, à Rennes
Retrouvez Christian Gourcuff en interview dans le numéro spécial mercato, en kiosque au mois d'août.