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70e anniversaire de Franz Beckenbauer

Beckenbauer, 70 ans de règne

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Figure mythique, couronné de tous les succès, Franz Beckenbauer ne s'est jamais laissé dicter sa conduite, toujours certain que sa volonté lui ouvrirait les portes d'un destin radieux. Alors qu'il fête aujourd'hui ses 70 ans, SO FOOT revient sur l'histoire de ce fils de postier né en 1945 dans un Munich en ruines, devenu la lumière du football allemand.
En slip � New York.

La marche de l'Empereur


« Et à quoi, au fond, reconnaît-on l'épanouissement physique ? À ce qu'un être épanoui fait du bien à nos sens ; à ce qu'il est taillé dans un bois qui est à la fois ferme, tendre et odorant. Il n'a de goût que pour ce qui lui fait du bien ; son plaisir, son envie cessent là où la mesure de ce qui convient est franchie. Il invente des remèdes contre les lésions, il exploite à son avantage les hasards malencontreux : ce qui ne le fait pas périr lui donne des forces. D'instinct, de tout ce qu'il voit, entend et vit, il amasse son propre capital : il est un principe de sélection, il élimine bien des choses. Il est toujours dans sa société bien à lui, qu'il commerce avec des livres, des hommes ou des paysages ; par son choix, il honore ce qu'il a choisit, ce qu'il admet, ce à quoi il fait confiance. À toutes sortes de sollicitations, il réagit lentement, avec cette lenteur dont une longue prudence et une fierté délibérée lui ont imposé la discipline. Bien loin d'aller au-devant d'elle, il examine attentivement la sollicitation qui se présente à lui. Il ne croit ni à la "malchance", ni à la "faute" : il vient à bout de lui-même et des autres, il sait oublier - il est assez fort pour que tout, nécessairement, tourne à son avantage. » Ainsi se décrit Friedrich Nietzsche en 1888 dans Ecce Homo, mais il annonce aussi l'avènement d'un autre être semblable : Franz Beckenbauer.

Toute sa vie, Beckenbauer a fait plier le réel à la force de sa volonté. Tout ce qu'il a entrepris, il l'a réussi, ou presque. Son palmarès en témoigne. Sur le terrain : cinq titres de champion d'Allemagne, quatre Coupes d'Allemagne, trois Coupes d'Europe des clubs champions, un Euro, une Coupe du monde, ainsi que d'autres coupes diverses, des titres en NASL et une ribambelle de récompenses individuelles. Sur le banc : une autre Coupe du monde, un championnat de France, une Bundesliga, une Coupe de l'UEFA. En tribune : BuLi à foison et grandes oreilles en tant que président du Bayern, et puis encore une Coupe du monde en tant qu'organisateur. À première vue, on pourrait croire que tout ce qu'il touche se transforme irrémédiablement en or. Pourtant, comme Crésus, derrière l'évident don, il y a lutte. « C'est le héros de notre nation. Mais ça ne lui est pas tombé dessus. Il a acquis ce statut à la sueur de son front » , dit ainsi de lui Günter Netzer.

Des ruines comme toile de fond, un mur comme ami


Comme tous les grands, l'empereur est né sur un champ de bataille - les ruines de Munich - le 11 septembre 1945, dans le quartier ouvrier de Giesing. Si vous voulez un symbole de la reconstruction de l'Allemagne sous occupation alliée et Adenauer, il est éclatant. Son père, Franz Sr, employé postal, méprise le football. Qu'importe, le gosse passe ses journées à taper le ballon contre un mur dans le jardin. « Ce mur était le plus honnête des coéquipiers » , a-t-il expliqué plus tard. « Si tu faisais une passe correcte, tu la récupérais correctement. » Déjà, Franz fait ce qu'il veut. À neuf ans, il rejoint les rangs du SC Munich '06. Alors attaquant, fan de Fritz Walter, il rêve de Munich 1860. Et puis arrive un tournoi de jeunes, le dernier du SC à cause de finances difficiles. Avec ses amis, le buteur décide de rejoindre son équipe de cœur à la fin de la compétition. Sauf qu'il la retrouve juste avant : en finale. Le match est dur, les contacts des plus rugueux, les embrouilles nombreuses. Beckenbauer finit par prendre une gifle du central adverse. Un tournant. Direction l'autre Munich pour la clique. Un choix qui paraît évident aujourd'hui, mais loin de l'être alors. À l'époque, le Bayern n'est qu'un parent pauvre, même pas invité à la première édition de la Bundesliga. Franz continue de jouer avec le destin en 1963. Il a 18 ans, sa petite amie est enceinte, il refuse de l'épouser. L'affaire s'ébruite, la DFB (fédé allemande) l'exclut des sélections de jeunes. Heureusement, Dettmar Cramer intervient et œuvre pour sa réintégration. Peut-être la première et dernière fois qu'il doit quelque chose à quelqu'un. L'Allemagne a failli passer à côté de sa légende, et Beckenbauer de la sienne. Elle commence tout juste.

Mondial moquette.

But fantôme et bras cassé


Pour sa première saison complète avec l'équipe première, en Regionalliga Süd, alors milieu, il inscrit 17 buts, participant activement à la promotion du club bavarois. Un talent auquel la Bundesliga ne peut résister, pas plus qu'Helmut Schön, qui l'amène à la Coupe du monde 1966 malgré son jeune âge et les critiques subséquentes. Évidemment, Beckenbauer brille dans la plus belle des compétitions, inscrivant quatre buts, dont une superbe frappe à Lev Yashin en demi-finales contre l'URSS. En finale, Helmut Schön lui demande un marquage individuel sur Bobby Charlton, ce qu'il fait superbement. Mais Gottfried Dienst et Tofiq Bahramov accordent le « Wembley-Tor » ; l'Angleterre finit par s'imposer 4-2. Loin de blâmer l'arbitrage, Franz préfère reconnaître a posteriori que « l'Angleterre nous a battus parce que Bobby Charlton était juste un tout petit peu meilleur que moi » . Un simple contretemps dans sa conquête du monde.

Quatre ans plus tard, face à ces mêmes Anglais en quarts, il tient sa revanche. Beckenbauer marque, Alf Ramsey sort Charlton, son influence grandit encore un peu, et l'Allemagne gagne après avoir été menée 2-0. Le Bavarois est encore milieu central, n'a que 24 ans, ne porte pas encore le brassard. Pourtant, c'est déjà un véritable leader. Preuve en est faite lors de la demi-finale contre l'Italie à Mexico, une rencontre qu'on qualifiera plus tard de « match du siècle » . À la 70e, son épaule droite se luxe après un contact. Le bras en écharpe, la main sur le cœur, il continue de courir pendant cinquante longues minutes, preuve vivante qu'il y a des tripes derrière la classe. La Nazionale finit par l'emporter 4-3 grâce au but à la 111e de Gianni Rivera, mais l'Allemagne et surtout Beckenbauer méritent les honneurs. Le London's Evening Standard parle de lui comme d'un « officier prussien blessé, battu, mais fier » . Sauf que Franz n'a rien d'un officier, c'est un empereur; il ne sera - presque - plus jamais battu.

Le dernier empereur


Parce que, quelque part, Franz Beckenbauer a toujours été le Kaiser. Comme souvent, la frontière entre l'homme et le joueur est infime. Devenu libéro, il glisse hors de la défense avec puissance et précision. Personne n'est sur sa route, parce qu'il en décide lui-même. Il escamote le ballon des attaquants lancés d'un geste sûr, tout en maîtrise. «  Il donnait l'impression suivante : "N'essayez même pas. C'est une perte de temps que d'essayer de m'affronter." » (Sir Bobby Charlton). Il ouvre la voie d'une passe, parfois d'une frappe, cuisinant caviar sur caviar sans jamais se tromper dans la recette, qu'il réinvente à loisir. Surtout, son buste est droit, toujours, sa tête haute. Essayez de l'imaginer en train de trébucher, ou de renverser sa bière sur lui : c'est impossible. Beckenbauer échappe à la maladresse. Brian Clough : « J'ai une fois vu Franz Beckenbauer entrer dans un restaurant, et il l'a fait de la même manière qu'il jouait au football : avec classe et autorité. »

Reste à savoir quelle version de l'histoire derrière le nom privilégié. La plus prosaïque, validée par le principal intéressé lui-même, parle d'une photo prise à côté d'un buste du Kaiser Franz Joseph I, datant du 3 août 1971. La plus romantique remonte au 14 juin 1969. Finale de DFB-Pokal, Bayern-Schalke. Beckenbauer fait faute sur le meilleur joueur de Schalke, Reinhard Libuda, surnommé « der König von Westfalen » (le roi de Westphalie), se fait copieusement huer, emmène le ballon dans un coin, jongle pendant quarante secondes avec le pied et la tête. Suffisant pour la presse - seul un empereur pouvait dépasser un roi.

Beckenbauer qui joue au soccer

Beckenbau-or


En 1974, le Kaiser domine enfin le monde. La Hollande, le Totaalvoetbal et Johan Cruijff sont à terre. Là encore, cela n'a pas été une partie de plaisir, l'Allemagne se retrouvant menée avant même de toucher le ballon. Cœur au sang-froid, Beckenbauer est sûr de son destin, seul à s'occuper de Johan Cruijff et Johnny Rep, trottinant tranquillement devant eux comme un homme avec ses chiens. Les Oranje oublient de marquer le deuxième but, Breitner égalise, Müller consacre. Chez lui, à Munich, brassard au bras, il peut soulever le trophée, point d'orgue de l'âge d'or du football allemand - son ère. Lui qui avait déjà mené la Nationalmannschaft à son premier titre européen deux ans plus tôt, et le Bayern à sa première Ligue des champions en mai 1974, précédant deux autres d'affilée.

De fait, le titre mondial scelle son statut de superstar, « le Pelé blanc » comme l'appelle Kicker. O Rei, qui le côtoiera plus tard au Cosmos, confirme la noblesse et la parenté : «  Franz Beckenbauer est mon frère allemand. » Néanmoins, si l'on en croit son coéquipier Günter Netzer, sa plus grande contribution n'a rien à voir avec son niveau footballistique hors du commun. Après la défaite surprise face à la RDA lors de la première phase de poules, le moral est au plus bas. Le Kaiser réunit alors l'équipe, prononce un discours sans langue de bois, pointant du doigt tous les joueurs pas au niveau, et refait l'équipe pour le reste du tournoi avec Schön. « De toutes ces pierres à l'édifice du football allemand, celle-ci est la plus importante. Il a pris les choses en main alors que la situation était épouvantable, que l'équipe était sur le point de s'effondrer. Il a protégé Schön et a rebâti l'équipe avec lui. » Beckenbauer n'a peur de personne, surtout pas de la DFB. Avant le tournoi, il négocie les primes jusqu'au bout de la nuit au cours d'une discussion des plus houleuses. Après la victoire, il ordonne à ses joueurs de quitter le banquet organisé, sous prétexte que leurs femmes se sont vu refuser l'entrée. Personne ne peut lui résister. Pour l'instant.

Le monde ne suffit plus, place au Cosmos


Vaincu par l'audace d'Antonin Panenka en 1976, Franz prend sa retraite internationale et quitte le Bayern avec trois Coupes d'Europe des clubs champions dans la besace. Direction le New York Cosmos, payé plus d'un million de dollars par un TimeWarner des plus ambitieux. Pour ses débuts au Giants Stadium, il évolue bien sûr en tant que libéro, ne montant que lorsqu'il le faut. Le président du club demande alors à Eddie Firmani, le coach : « Pourquoi est-ce que ce gars que nous avons payé un million de dollars joue à l'arrière de l'équipe ? » Le coach répond : « C'est sa manière de jouer. Personne ne le fait mieux que lui. » « On n'a pas payé un million de dollars pour un gars qui rôde derrière. Dis-lui de ramener son cul devant. » Beckenbauer refuse : il continuera de jouer à sa manière.

« Il pourrait créer un parti 14 jours avant les élections et finir chancelier. » - Rudi Assauer

Le triomphe de l'esprit fort


Entraîneur, il n'en fera aussi qu'à sa tête. En 1986, il mène une Nationalmannschaft décimée par les blessures en finale, stoppée dans son élan 3-2 par l'Argentine d'un Diego Maradona sublime passeur. Comme toujours, il revient quatre ans plus tard pour prendre sa revanche. Une victoire qui fait de lui un demi-dieu, alors que sa campagne victorieuse tout en hélicoptère de 2006 fait de lui le « Lichtgestalt des deutschen Fußballs » , (L'éblouissante lumière du football allemand). Encore aujourd'hui, le Kaiser dit toujours tout ce qu'il pense sur tout et n'importe quoi, même s'il change volontiers d'avis. « Si Franz leur dit que la balle est carrée, ils le croiront » , s'amuse Otto Rehhagel. N'en déplaise à Nietzsche, Frédéric II n'est plus « le seul génie parmi les empereurs allemands » . « Il pourrait créer un parti 14 jours avant les élections et finir chancelier » , confirme Rudi Assauer. Même Henry Kissinger, homme d'importance s'il en est, a son avis sur la question : « Aucune autre figure du football, à part peut-être Pelé, n'a atteint le statut mythique de Beckenbauer. » Tout, nécessairement, tourne à son avantage.


Par Charles Alf Lafon


Le jour où Beckenbauer et Cruijff se sont partagé le brassard de capitaine


28 décembre 1979. Dans un grand hôtel de Dortmund, Johan Cruijff et Franz Beckenbauer posent bras dessus, bras dessous pour les journalistes. Les deux rivaux doivent jouer ensemble au sein d'une sélection mondiale. Cette dernière doit affronter le Borussia Dortmund lors d'un match caritatif dont les recettes seront reversées à l'UNICEF. Mais derrière cette amitié d'apparence, se cache une autre histoire.

La veille, le Néerlandais aurait téléphoné à l'organisateur pour l'informer qu'il ne viendrait qu'à la condition d'être capitaine de la sélection mondiale, rôle qui devait revenir au Kaiser, le local. Au final, les deux hommes se partageront le brassard. Beckenbauer le portera durant la première période et Cruijff durant la seconde. Ce dernier, voulant marquer de son empreinte un match pourtant sans enjeu, se mettra même à tirer les six mètres de manière très sérieuse sous le regard médusé du Kaiser.

SS

TOP 10 : Beckbenbauer et les pubs 1/2


Franz Beckenbauer accepte au debut de sa carrière de prêter ses boucles brunes à une marque de cosmétique. Pour vanter les mérites d'un gel dans une publicité, il touche 800 marks. Robert Schwan, alors manager au Bayern, l'informe par la suite qu'il aurait pu toucher 10 fois plus. Dès lors, le Kaiser ne se fera plus avoir. Une chose est sûre, ce n'est pas pour ses talents d'acteur que les publicitaires se l'arrachaient.

10. Franz Beckenbauer est pro-Messi.

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9. Parce que Franz Beckenbauer sait tout faire mieux que tout le monde, il conduit évidemment mieux et plus vite que Schumacher et Häkkinen.

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8. Franz Beckenbauer est plus drôle que Jürgen Klopp.

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7. Franz Beckenbauer n'a pas besoin de parler pour te vendre de la bière.

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Shake de l�gende entre Cruyff et Beckenbauer

« Johann était le meilleur,
mais je suis
champion du monde.
 »


Franz Beckenbauer

L'invention de la liberté


Franz Beckenbauer a réussi ce que bien peu de joueurs ont tenté : créer un poste. Un rôle à son image, libre et droit, qu'il ne doit à personne, sauf peut-être à Giacinto Facchetti. Suffisant pour faire de lui une figure ultime du ballon rond.

« Bonjour, et bienvenue au stade olympique de Munich, bondé, pour la deuxième mi-temps de cette excitante finale. Et voilà à présent les Allemands, emmenés par leur capitaine "Lobby" Hegel. Ils sont vraiment les favoris cet après-midi. Ils ont en tout cas attiré l'attention de la presse avec leurs problèmes d'équipe. Et maintenant, regardons leur composition. Les Allemands sont en 4-2-4, Leibniz au goal, les quatre de derrière Kant, Hegel, Schopenhauer et Schelling, devant Schlegel, Wittgenstein, Nietzsche et Heidegger, et au milieu le duo Beckenbauer-Jaspers. Beckenbauer est évidemment un peu une surprise. »

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Ainsi s'ouvre le sketch The Philosophers' Football, avec Michael Palin aux commentaires, diffusé pour la première fois le 5 décembre 1974 au cours de l'épisode 2 d'une émission spéciale des Monty Python pour la télévision allemande, le Monty Python's Fliegender Zirkus. Le début d'un match entre philosophes allemands et grecs à l'Olympiastadion de Munich, lors des JO 1972. Si la présence du Kaiser est incongrue, ce n'est pas une question de réflexion, plutôt de position. Là où ses coéquipiers érudits se sont exprimés par l'écrit, lui a laissé une trace tout aussi brillante et profonde dans son domaine, révolutionnaire même, certes balle au pied. Au milieu de tous ces cerveaux, le Munichois ne fait pas tache, lui qui semblait toujours avoir plusieurs longueurs d'avance. La vraie surprise, c'est son positionnement au milieu de terrain, celui de ses débuts, alors qu'il occupe depuis une poignée d'années un rôle qu'il n'a, si ce n'est inventé, du moins révolutionné : libéro.


« Si Franz tombe de la fenêtre, il tombera vers le haut. » - Sepp Maier

L'empereur, le taureau, le bombardier et le nettoyeur


« L'opinion générale est que j'ai inventé le libéro » , explique d'ailleurs le principal intéressé. « Au début de ma carrière, j'étais un milieu conventionnel. Et puis j'ai commencé à regarder Facchetti, l'intenable latéral gauche de l'Inter, et il m'a donné l'inspiration, l'esprit de l'aventure. » « Le jeu était encore stéréotypé : un latéral était un latéral, un défenseur central était un défenseur central. Facchetti était brillant, mais en tant que latéral il était limité par l'espace - il ne pouvait pas aller à gauche. En tant que défenseur central, je pouvais aller n'importe où. J'ai continué en tant que milieu avec la Nationalmannschaft jusqu'en 1971, mais pour le Bayern j'étais déjà un libéro. » À Munich, il a ainsi commencé en 1968-1969, au même moment qu'il récupérait le brassard, avec une Bundesliga au bout. Protégé par Hans-Georg dit « Katsche » Schwarzenbeck, le « Der Putzer des Kaisers » ( « le nettoyeur de l'empereur » ), sa liberté est absolue. D'autant plus qu'il a derrière lui Sepp Maier, Paul Breitner à gauche, Franz « Bulle » Roth et Uli Hoeneß au milieu, Gerd Müller devant. Le Bayern est une machine dont le Kaiser est le rouage essentiel. Entre 1974 et 1976, le club bavarois rejoint le cercle très fermé des triples vainqueurs consécutifs de Coupe d'Europe. Même si le triplé a été réalisé sous les ordres de Udo Lattek, puis Dettmar Cramer, il apparaît difficile de négliger l'influence de Beckenbauer, dirigeant la manœuvre « tel un marionnettiste, en retrait pour tirer les ficelles » . Si Beckenbauer le milieu n'avait que peu de rivaux, eu égard notamment à sa prestation lors des Coupes du monde 1966 et 1970, le Kaiser libéro n'en avait tout simplement aucun. Parce le rôle impliquait un éventail de qualités que lui seul possédait ; d'ailleurs, bien peu de joueurs aujourd'hui réussissent à occuper une partition moins courageuse, celle de central relanceur. Son influence a été telle que le football allemand est resté calqué sur son héritage tactique bien longtemps après qu'il a raccroché ses crampons en 1983. Malgré ses avertissements. Au moment de se retirer, il explique : « Les équipes ont commencé à passer du marquage individuel au marquage en zone. Et le libéro doit aussi maintenant s'occuper d'un joueur, et n'est plus aussi libre qu'avant dans le marquage individuel. » Même en 1996, lorsque l'Allemagne remporte l'Euro, c'est dans le sillage d'un Matthias Sammer repositionné, qui finira Ballon d'or, le dernier Allemand en date. Il faudra attendre Rudi Völler et un Euro 2000 calamiteux pour que le libéro disparaisse de la tactique allemande, un crime de lèse-majesté s'il en est.

Les murs de poussière


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Si Cruijff a inventé le Totaalvoetbal, Beckenbauer a lui aussi inventé une manière de jouer au football, de le penser, philosophe qu'il est. Pourtant, si on a tendance à opposer Pelé et Maradona pour le titre de meilleur joueur de l'histoire, qu'on rajoute souvent le Hollandais, voire Di Stefano, que Messi toque à la porte, l'Allemand est parfois oublié. Son seul défaut reste peut-être de défendre, superbement certes, là où tous les autres attaquent. Lui aussi le fait très bien : il suffit de se rappeler avec quelle aisance il se débarrassait de ses adversaires, les jetant au sol d'une simple feinte de corps. Mais sa zone d'influence reste de son côté du terrain, là où ses rivaux vivent chez l'autre. Nous les aimons parce que rien n'est plus pur que de voir un filet trembler, plus riche qu'une course vers l'horizon, plus renversant qu'un dribble. Mais si le football ne se résumait qu'à l'attaque, un Vine suffirait, ce qui n'est heureusement - pas encore - tout à fait le cas. Pour parler du football, il faut un homme qui en connaît toutes les facettes. Un homme libre.

Par Charles Alf Lafon

Beckenbauer a dit:

« Je suis encore à me demander à quel genre de sport mon équipe [le Bayern] a voulu jouer ce soir. Ce n'était certainement pas du football. » L'incertitude sportive.

« Et bien, il n'y a qu'une possibilité : la victoire, le match nul ou la défaite. » Le pronostic sûr.

« Berkant Göktan n'a que 17 ans. S'il a de la chance, il en aura 18 le mois prochain. » L'expertise mathématique.

« Les Suédois ne sont pas des Néerlandais, on l'a très bien vu ce soir. » Le génie géographique.


Le jour où le futur empereur s'est fait gifler par le roi


Pendant des années, Gerhard König n'a rien dit, de peur de voir son restaurant retourné par des supporters de Munich 1860. Il faut dire que, sans vraiment le vouloir, il a privé leur club de coeur du plus grand espoir que l'Allemagne ait jamais eu, Franz Beckenbauer. Histoire d'un effet papillon.


1958. Le TSV München 1860 est le club le plus populaire de la capitale de la Bavière. À l'époque, les Lions ne souffrent absolument aucune comparaison avec le FC Bayern, même si le club « rouge » a déjà remporté le championnat d'Allemagne, en 1932. Tout comme nombre de ses camarades, le jeune Franz Beckenbauer est fan des « Bleus » , et on le dit prêt à rejoindre les équipes de jeunes du TSV.

Or, une action va tout changer. Lors d'un tournoi organisé à Neubiberg (non loin de Munich), le SC 1906 München (club où évolue alors Beckenbauer) se retrouve à jouer contre 1860. Le jeune Franz, qui joue ailier droit, fait de son mieux pour épater les dirigeants de son futur club. Il en fait même trop. « Durant la rencontre, il m'avait dribblé, ça m'a énervé, alors je l'ai sévèrement taclé. Un mot en a amené un autre et, dès que l'arbitre a eu le dos tourné, je lui en ai collé une » , racontera des années plus tard Gerhard König. Un signe du destin, car en vrai, le gifleur n'aurait jamais dû croiser directement la route de Beckenbauer. En effet, König (littéralement : le roi) était gardien de formation. Mais comme il manquait des joueurs, il s'est retrouvé en défense, pour faire le nombre. Agacé, il a fini par se payer la tête de Beckenbauer. Traumatisé par ce « lavage de cerveau » , le jeune Franz décidera par pure vengeance d'intégrer le Bayern au détriment du 1860, devenu le symbole de sa haine.

La suite, on la connaît : emmené par son trio Maier-Beckenbauer-Müller, le FC Bayern Munich inscrira son nom en lettres d'or dans le gotha européen, et la Nationalmannschaft en profitera tout autant. De son côté, Gerhard König fera carrière dans la restauration, avant de prendre une retraite bien méritée. Mais jamais, pendant toutes ces années, il ne pipera mot sur cette anecdote. Finalement, les deux hommes se retrouveront à l'Olympiastadion pour une émission du Bayrischer Rundfunk (le service public audiovisuel de Bavière) en marge du 65e anniversaire de Franz Beckenbauer. Qui en profitera pour étayer un peu les propos de son ancien adversaire: « Il est vrai que j'étais un peu insolent quand j'étais jeune, et il est possible que j'ai dit des choses inappropriées. » Si la main de Dieu signée Maradona a marqué le football de son empreinte, la main de König a marqué l'esprit du Kaiser, et a changé la face du football allemand. Et du football mondial.

AF

« Franz Beckenbauer est mon frère allemand. »


Pelé

Un Kaiser à New York


Après plus de trente années passées dans sa Bavière natale, Franz Beckenbauer décide en 1977 de s'envoler pour les États-Unis et de poser ses bagages à New-York. Une expérience électrique qui le marquera à vie.

Alors que Pelé passait le plus clair de son temps sur la piste de danse, Franz Beckenbauer était plutôt du genre à observer la faune, un verre à la main. Sur le terrain comme sur le dancefloor du mythique « Studio 54 » , les positions étaient respectées. Le Studio, c'était LA boîte des 70s, et les plus grandes stars du monde s'y donnaient rendez-vous. Mick Jagger, Donna Summer, Andy Warhol, tous ceux qui étaient beaux et connus y avaient leurs entrées. Si la masse new-yorkaise peinait à entrer dans cette discothèque gardée par le cerbère Steve Rubell, les joueurs des Cosmos, eux, avaient leur table dans le carré VIP. Après tout, grâce aux millions investis par la Time Warner Communications, la plus grande boîte d'entertainment de l'époque, le club de la Grosse Pomme était en train de devenir le symbole de la percée du soccer aux États-Unis. Normal, donc, que les principaux ambassadeurs soient de la partie. En l'espace de 10 ans, Franz Beckenbauer passe des tournages de pubs pour Knorr aux concerts des Rolling Stones.

Et ce changement n'est pas pour lui déplaire, loin de là. À New-York, le Kaiser réalise le rêve de milliers d'enfants allemands de l'après-guerre, celui de réussir chez feu l'occupant américain. « Aller à New-York fut la meilleure décision de ma vie » , a-t-il déclaré à de nombreuses reprises. Et la ville le lui rendra bien. Peu de footballeurs connaîtront le même succès et jouiront de la même aura auprès du gotha new-yorkais. Ainsi, Franz Beckenbauer passera par exemple beaucoup de temps avec Rudolf Noureev, son voisin dans l'immeuble où il séjourne, une bâtisse qui jouxte la pointe sud de Central Park. Et même s'il n'aimait pas le foot, le danseur étoile appréciait particulièrement le Kaiser. Au point de lui faire un jour des avances et lui toucher légèrement la cuisse, ce à quoi Beckenbauer répondra tranquillement : « >Rudi, je suis d'une autre école » , tout en savourant son café en regardant la skyline new-yorkaise depuis Brooklyn. Une skyline aujourd'hui privée de son World Trade Center. Un souvenir marquant pour Franz. Né un 11 septembre, Beckenbauer sera particulièrement touché par l'effondrement des tours jumelles. Lui qui se rendait tous les ans à NYC pour quelques semaines depuis la fin de sa carrière attendra six ans avant d'y remettre les pieds. Le choc est violent, car l'amour est véritable. Comme il aime souvent à répéter, si Günter Netzer n'était pas venu le chercher pour jouer à Hambourg, Franz Beckenbauer serait certainement devenu américain.


Par Ali Farhat




TOP 10 : Beckbenbauer et les pubs 2/2

6. Franz Beckenbauer a toujours été un original, du coup, au début des 2000s, il faisait partie de la Team 3510.

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5. Lorsqu'il n'a pas le moral et que son équipe joue mal, Franz Beckenbauer fabrique des bancs en bois.

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4. Franz Beckanbauer te fait plaisir et t'envoie assister à la Coupe du monde au Mexique. Mais seulement si tu prends de l'essence chez Aral.

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3. Franz Beckenbauer ne rechigne jamais à manger sa soupe.

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2. Franz Beckenbauer imite Luca Toni et Miroslav Klose. Pub garantie sans trucages.

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1. Franz Beckenbauer n'est jamais choisi en dernier au foot.

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Pelé et Beckenbauer à Hambourg en 1981

Et le Kaiser coula dans le port de Hambourg


Ce devait être un retour formidable : trois ans après son départ pour les États-Unis, Franz Beckenbauer revenait en Allemagne, la terre de ses succès. Hambourg devait être le point final d'une carrière rondement menée. Malheureusement, ce sera un flop, la faute à de nombreuses blessures.

Lorsque Franz Beckenbauer pénètre sur la pelouse du Neckarstadion en ce 15 novembre 1980, la rencontre entre le VfB Stuttgart et le HSV a déjà repris depuis 33 secondes. Fait étrange : c'est la première fois de sa carrière que le Kaiser entre en jeu au cours d'un match. Autre fait étrange : c'est la première fois qu'il porte un autre maillot en Bundesliga que celui de « son » Bayern. Si Beckenbauer est rentré au pays et officie désormais pour le Hamburger SV, c'est avant tout l'œuvre de son ami Günter Netzer. L'ancien stratège du Borussia Mönchengladbach fait désormais parler ses talents de manager dans la ville de la Hanse. Après avoir vu Beckenbauer à l'œuvre lors d'un match de charité à Dortmund en décembre 1979, il se dit que le Kaiser, malgré trois années passées à se la couler douce à New-York du côté des Cosmos, a encore de beaux restes. « Je suis allé le voir en lui disant qu'il n'était pas fini pour le football. Que la vie à New-York était peut-être formidable, mais que niveau football, les Cosmos, la NASL, ce n'était pas ça. » Netzer sème le doute dans l'esprit de Beckenbauer, car il sait que le Kaiser n'a pas tout à fait abandonné l'idée d'être compétitif. Et, pour finir de totalement convaincre son ancien coéquipier en sélection, Netzer joue la carte de l'affection : en effet, à l'époque, le coach du HSV n'est autre que Branko Zebec. Passé par le Bayern entre 1968 et 1970, le Yougoslave est adoré par le Kaiser. Présent à Dortmund, Zebec caresse lui aussi l'idée d'avoir de nouveau son ancien apprenti sous ses ordres.

Si l'idée d'un retour du Kaiser en Bundesliga est séduisante, encore faut-il être en mesure de payer son salaire. En effet, Franz Beckenbauer émarge à 1,1 million de marks par an. Mais Netzer a de la suite dans les idées. Il arrive à convaincre BP, le sponsor principal du club, de payer une partie du salaire. La compagnie pétrolière donnera 650 000 marks, tandis que le HSV lui filera 200 000 marks. Les 250 000 marks restants seront payés par Adidas, qui emploie le Kaiser « comme représentant à vie » de la marque. L'opération de communication est un succès, Beckenbauer débarque à Hambourg fin octobre 1980 dans la folie la plus totale.


Toujours beau gosse à Hambourg.

Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu. Le Kaiser a beau être parti depuis trois ans seulement, la Bundesliga a pas mal changé entre-temps. Le jeu est plus rapide, plus agressif, et le libéro ne peut plus vraiment prendre son temps pour organiser le jeu de son équipe. De plus, usé par le jeu sur terrain synthétique aux États-Unis, Franz Beckenbauer se blesse de plus en plus souvent. Des blessures bêtes, comme celle à l'entraînement, suite à un choc avec Hrubesch. « Horst, ce n'était pas quelqu'un de tendre, surtout pas dans les airs » , se rappelle Netzer. « Généralement, il sautait et mettait tout ce qu'il avait dans son coup de tête. Sauf qu'un jour, il percute Franz, qui est touché à un rein. Franchement, j'ai cru qu'on allait devoir le lui enlever. Il a été absent durant six semaines. » Et quand ce n'est pas à cause d'un contact avec un adversaire ou un coéquipier, Beckenbauer se blesse tout seul. Lors d'un tournoi de préparation en Belgique, le HSV et Anderlecht doivent se départager aux tirs au but. « Franz n'aimait pas cet exercice, il laissait toujours les autres tirer avant lui. » Sauf qu'au bout d'un moment, il se retrouve obligé de tirer. « Il s'avance et se déchire les adducteurs. Je n'y croyais pas, c'était complètement absurde! » , raconte Netzer. « Le pire, c'est que le ballon n'est même pas arrivé au gardien. Il vous dira que c'est n'importe quoi, mais c'est vrai, le ballon n'est pas arrivé jusqu'au gardien ! Au final, il a eu de nouveau six semaines d'arrêt. » Franz Beckenbauer ne jouera que 38 matchs avec le HSV, mais glanera quand même un Meisterschale, le cinquième de sa carrière. Globalement, Hambourg restera une déception. La preuve, pour son jubilé en juin 1982, il marquera un but, ainsi qu'un autre... mais contre son camp.

Par Ali Farhat

Beckenbauer a dit:


« En une année, j'ai joué 15 mois durant. » L'expertise mathématique, épisode 2.

« Il faut remercier l'art des médecins. À mon époque, une amputation aurait été nécessaire. » Giovane Élber et Jens Jeremies sont rétablis pour la demi-finale de Ligue des champions en 2001. Ce miracle impressionne le président Beckenbauer.

« Je ne t'envie pas. Bois quelques Maße (bières d'un litre) à l'Oktoberfest ce soir. » Après une défaite 5-2 contre le Werder du Bayern en 2008, à l'Allianz Arena, Beckenbauer n'a d'autre solution que l'alcool pour permettre à Klinsmann d'oublier.

« Lothar (Matthäus) et moi-même avons eu aussi quelques divergences d'opinion. Je me suis toujours imposé. Dieu merci, les résultats parlent d'eux-mêmes. » Tacle dur tout en restant solide sur ses appuis, c'est aussi ça le style Beckenbauer.

« Il y a tout un lot de matchs qui n'auraient pas dû avoir lieu dans un stade, mais plutôt sur les terrains de terre battue d'à côté. » Quand ce sont les voisins français qui organisent, le Kaiser n'est pas convaincu du niveau de jeu.

Franz Beckenbauer et Adidas

En 1967, près de 20 ans après sa création, la marque allemande Adidas, célèbre jusqu'alors pour ses chaussures, décide de se lancer dans la confection de vêtements. Le premier modèle est un ensemble de survêtements composés d'une veste et d'un pantalon, le tout flanqué des fameuses trois bandes. Franz Beckenbauer, âgé de 22 ans seulement, est choisi pour en faire la publicité. Il devient de fait le premier mannequin de la marque et peut aujourd'hui se vanter d'avoir non seulement des chaussures à son nom, mais aussi un jogging. Le plus célèbre d'entre eux.


Le Kaiser faisant la pub
de la collection Adidas portant son nom.


Homme � lunettes.

« Quand le Kaiser parle,
même les anges mettent
leurs harpes de côté.
 »


Max Merkel

Beckenbauer et le « marécage » marseillais

Beckenbauer à l'OM ? Et pourquoi pas les chemises ouvertes de Rolland Courbis à Lens, ou les pulls acryliques de Guy Lacombe au PSG ? Retour sur la courte collaboration entre le mesuré Kaiser et le flamboyant OM du clinquant Bernard Tapie. Un choc des cultures pas franchement fécond.

Juillet 1990, Bernard Tapie prend le contrôle d'Adidas, et l'Allemagne est sacrée championne du monde. La relation entre les deux événements ? On la devine quand Franz Beckenbauer, sélectionneur de la Mannschaft, débarque à l'OM dès le mois de septembre. Le Kaiser venait alors de s'engager pour dix ans avec Adidas. À Marseille, il ne s'attardera pas.

Plus qu'un jeu à trois bandes, la venue de Beckenbauer sur le Vieux-Port répond à la volonté farouche de Bernard Tapie de soulever la C1. À l'époque, pas grand monde ne résiste à Nanard. Il a son siège à l'Assemblée nationale, a battu le record de la traversée de l'Atlantique en monocoque à la barre du Phocéa, et prospère dans les affaires. « Maintenant, je sais comment gagner la Coupe d'Europe » , avait grogné en avril 1990 le Golden Boy, furieux d'avoir vu son Olympique éliminé par la main de Vata. Une phrase qui a alimenté les suspicions sur les méthodes de winner employées par Tapie. Dans l'immédiat, l'omniprésident frappe très fort : tout d'abord, 50 millions pour acheter Dragan Stojković, record absolu pour un transfert en D1, puis Franz Beckenbauer, qui rapplique. Le Kaiser est « séduit » par le personnage Tapie.

Faux départ

En installant la légende allemande sur le Vieux-Port, le boss de l'OM a avant tout voulu s'acheter du respect. Pour que Marseille en impose sur la scène européenne. En langage d'affaires, on appelle cela du lobbying. Devant le pedigree du Kaiser, Gérard Gili se doit de s'éclipser. Il vient pourtant de réaliser un début de championnat canon : sept victoires, deux nuls, mais une moustache qui ne dit rien à personne. Le samedi 22 septembre, au Vélodrome, pour la première de Beckenbauer sur le banc phocéen, l'OM perd son invincibilité face à Cannes (0-1). Faux départ pour une relation condamnée à l'échec.

À Marseille, Beckenbauer se cherche des repères. Il juge les installations de l'OM « indignes de celles d'un grand club » . De celles du Bayern, par exemple. Les manières locales n'ont, aussi, rien à voir avec la froide civilité bavaroise. À peine a-t-il débarqué, que le Kaiser voit les ex-Toulonnais Pardo, Olmeta et Casoni se faire embarquer par la police. « Je n'ai rien compris à ce qui se passait, car je ne parlais pas un mot de français, a commenté le Kaiser dans L'Équipe, avant le quart de finale aller de Ligue des champions. Tout cela était vraiment malvenu. » Beckenbauer cherche encore ses mots dans le dictionnaire, mais n'a pas besoin de traducteur pour comprendre rapidement qu'il baigne dans un environnement singulier. « Un marécage » , comme il le qualifiera dans ce même entretien donné au quotidien sportif. « Si cela n'a pas marché, ce n'est pas à cause de la barrière de la langue ou de Bernard Tapie, mais parce que je ne voulais pas être mêlé à tout ça. Je suis aussitôt allé voir Tapie et je lui ai dit :"Ne m'en veux pas, mais je m'en vais." »

Au placard

Fin décembre, Beckenbauer rend son tablier d'entraîneur. Raymond Goethals prend sa succession. Le bilan du double Ballon d'or (1972, 1972) n'a rien de reluisant : huit victoires, deux nuls et cinq défaites. Le Kaiser se refuse toutefois à partir comme un voleur et accepte de terminer la saison en tant que directeur sportif. De son placard, Beckenbauer voit l'OM livrer les deux plus grands matchs de son histoire (quarts de finale aller-retour face au Milan AC). Il voit aussi Goethals ne pas perdre un match en championnat, et échouer d'un rien en finale de la Coupe des champions.

Interrogé, lui aussi, à la veille du quart de finale aller entre l'OM et le Bayern, Bernard Tapie assure que la venue du Kaiser a bien changé la donne sur le Vieux-Port. « Le changement fut incroyable. Partout où l'OM de Beckenbauer passait, il n'était plus traité de la même manière. Il nous a apporté tout ce que l'on n'avait pas. Avec Beckenbauer, l'OM est devenu un club très discipliné. Sa part dans notre succès en Ligue des champions en 1993 est énorme. » Ou comment s'envoyer des fleurs en dressant l'éloge d'un ex-prestigieux collaborateur.

Par Thomas Goubin


Ce que vous ne savez pas sur le Kaiser 1/2


- Alfons Beckenbauer, l'oncle de Franz, a joué au Bayern de 1931 à 1934.

- Avant de devenir footballeur professionnel, Franz Beckenbauer a été stagiaire chez l'assureur Allianz. Son premier salaire était de 90 marks par mois. Son premier contrat pro avec le Bayern lui garantissait 400 marks mensuels. Aujourd'hui, sa fortune est estimée à 160 millions d'euros environ.

- Lors de son premier voyage avec les espoirs allemands, Franz Beckenbauer a dû dormir dans le même lit que son coach, Dettmar Cramer. Ceci pour éviter de fâcheux écarts amoureux.

- La première biographie sur Franz Beckenbauer s'appelle Dirigent im Mittelfeld (Le dirigeant du milieu, ndlr) . Elle est sortie en 1965. Beckenbauer jouait alors sa deuxième saison chez les pros.

- Avec son tube Gute Freunde kann niemand trennen, Franz Beckenbauer s'est hissé à la septième place des charts en Allemagne, en 1966. Il a touché 100 000 marks pour enregistrer cette chanson.

- En Bundesliga, Franz Beckenbauer a marqué à quatre reprises contre son camp – ce qui en fait le troisième « meilleur » total de tous les temps.

- Il a fait un tube radiophonique: « Personne ne peut séparer de bons amis. »

Vidéo



Le jour où Franz Beckenbauer a conseillé l'Olympique Lyonnais

Ce ne devait être qu'une banale remise de prix organisée par France Football. Le 21 octobre 1974, Franz Beckenbauer, Gerd Müller et Jupp Heynckes se rendent à Paris pour recevoir les Souliers d'or, d'argent et de bronze. Le lendemain, l'Olympique Lyonnais doit jouer son 16e de finale aller de Coupe de l'UEFA face au club d'Heynckes, le Borussia Mönchengladbach. C'est donc tout naturellement que les journalistes français se mettent à poser quelques questions aux stars du jour. Et c'est à cet instant que Franz Beckenbauer prend le micro et se livre à une revue de détail pour le moins...détaillée.

Extraits : « Jupp est le type même de l'ailier moderne. Il est aussi redoutable dans ses percées et ses rabattements que par la soudaineté et la violence de son tir. Le défenseur Vogts est de loin le meilleur destructeur de la Bundesliga. N'omettez pas de dire aux responsables techniques lyonnais que Bonhof est un spécialiste des tirs sur corner. (…) Cependant, tout n'est pas parfait et je ne crois pas divulguer le moindre secret en observant que dans le jeu de cette formation, il y a trois grosses lacunes : Wimmer dont l'allergie au choc est bien connue, Kostner qui accumule les fautes de placement et plus globalement le manque de régularité offensive. »

Après cette analyse pointue de l'effectif et du jeu du BMG, Franz Beckenbauer s'est alors permis de poser quelques questions aux journalistes présents. « N'est-il pas exact qu'en plus de Lacombe et Chiesa, il se trouve au sein de l'attaque lyonnaise un ailier gauche que je connais peu et dont j'ignore même le nom, mais qui serait dans la forme de sa vie ? Une faille dans la défense de Gladbach pourrait lui servir. » Le joueur en question n'était autre qu'Yves Mariot. Malgré ses bons conseils, le Borussia s'imposera par la plus petite des marges, et gagnera largement lors du match retour à domicile (5-2).

S.S (citations de Beckenbauer tirées de France Football)

Hervé Revelli : « Ceux qui le critiquent sont sans doute un peu jaloux de lui »


Revelli à la lutte avec Beckenbauer

Meilleur buteur de l'histoire de Saint-Étienne, Hervé Revelli a eu la malchance de se retrouver plusieurs fois sur le même chemin que celui du Kaiser. Près de 40 ans après la finale perdue à Glasgow, l'ancien Vert se souvient de celui qui a brisé plus d'un rêve stéphanois.

Vous avez rencontré le Bayern Munich, et donc Franz Beckenbauer, cinq fois durant votre carrière à Saint-Étienne. La première fois, c'était en 1970. À ce moment-là, il n'avait que 25 ans. Aviez-vous déjà conscience qu'il ferait partie des plus grands ?
Oui. Il était tellement différent des autres défenseurs. Il a vraiment révolutionné son poste. Ce n'est pas un cliché. Il était tellement technique, tellement propre, il pouvait relancer à 40 mètres. On n'avait jamais vu ça à l'époque. Et en même temps, il ne vous lâchait pas. On l'oublie souvent, mais il était vraiment sur vous, très rugueux. Évidemment, il avait des joueurs fabuleux autour de lui, mais lui donnait cette impression de ne jamais souffrir, alors que, croyez-moi, il souffrait autant que nous. Sa technique lui permettait juste de mieux le cacher.

Vous avez quand même réussi à lui marquer deux buts cette même année.
Oui et j'en suis très fier. Ce n'est pas arrivé à tout le monde. Nous avions perdu l'aller sèchement sur le score de 2-0. Au retour, on s'est dit qu'on n'avait rien à perdre, vu qu'on était à domicile. J'ai eu la chance de marquer très vite, à la 3e minute. Puis j'ai marqué un second but au début de la seconde période. À ce moment-là, on devait jouer la prolongation, mais heureusement, ils n'étaient pas trop dans le match et il y a eu un 3e but (signé Keita, ndlr). C'est notre seule victoire contre eux et je peux vous dire que quand on est passés devant leur vestiaire, on a tous entendu les cris de l'entraîneur, mais aussi des joueurs bavarois. Personne ne comprenait l'allemand, mais on n'avait pas besoin de ça pour comprendre qu'ils étaient tous en train de s'engueuler. C'était pas la joie. À partir de là, ils nous ont vraiment pris au sérieux. C'est un des meilleurs souvenirs de ma carrière.

Vos autres confrontations contre le Bayern ont clairement tourné à leur avantage.
En 1975 et 1976, lorsqu'on les retrouve, ils sont presque tous champions du monde. C'était un tout autre niveau qu'en 1970. Beckenbauer, il n'a cessé de progresser entre 70 et 76. Il était le plus fort dans une équipe de forts. On n'a jamais vraiment été à leur hauteur, sauf lors de la finale 1976 malheureusement... Et c'est pour ça que ça ne passera jamais. Avant cette finale, on avait eu un tas de matchs difficiles contre des plus petites équipes. Et là, on joue notre meilleur football, face à la meilleure équipe du monde, qui possède en plus le meilleur joueur du monde, et ça ne passe pas. Le Bayern, c'est plus que notre bête noire. À choisir, j'aurais largement préféré ne jamais rencontrer Beckenbauer de ma vie.

Il avait la réputation d'être arrogant en dehors et sur le terrain, et parfois irrespectueux envers ses coéquipiers, mais aussi avec ses adversaires. Partagez-vous ce ressenti ?
C'est marrant, car j'ai entendu beaucoup de joueurs dire ça et je n'ai jamais compris. Peut-être que ça vient de sa posture. C'est vrai que comme il se tenait droit comme I, il regardait un peu les gens de haut. Mais franchement, j'ai joué plusieurs matchs à quelques mètres de lui et je ne l'ai jamais trouvé arrogant ou irrespectueux. Je ne l'ai jamais entendu mal parler à quelqu'un. Et en dehors du terrain, j'ai toujours trouvé que c'était un mec bien. Après la finale de 76, il est venu nous voir et nous a dit qu'ils avaient mal joué et qu'on aurait mérité la victoire, mais que c'était comme ça. Il ne parlait presque pas français, mais il avait fait l'effort de nous dire quelques mots dans notre langue. Il était sincère. On a bu des coups avec lui. Ceux qui le critiquent sont sans doute un peu jaloux.

Propos recueillis par Sophie Serbini
Three guys, one cup.

Monsieur Coupe du monde

Non content d'avoir déjà remporté la Coupe du monde en tant que joueur et en tant qu'entraîneur, Franz Beckenbauer se lance, au début des années 2000, un nouveau défi : celui d'organiser la Coupe du monde dans son pays, pour la première fois depuis la réunification. Un défi qu'il relèvera haut la main.

L'Allemagne et les grands événements sportifs n'ont pas toujours fait bon ménage. Des Jeux olympiques de Berlin en 1936 à la Coupe du monde 1974, en passant par les Jeux olympiques de Munich en 1972, c'est peu dire que des événements le plus souvent tragiques sont venus entacher le bon déroulé des compétitions. Cette histoire chaotique a souvent pesé dans la volonté des pouvoirs publics de ne plus organiser d'événements à portée internationale sur le sol allemand. Jusqu'à ce que Franz Beckenbauer et son ambition incontrôlable ne viennent s'en mêler. À la fin des années 1990, celui qui a tout gagné et qui vient d'être élu à la vice-présidence de la DFB cherche un nouveau défi à relever. Obtenir l'organisation de la Coupe du monde 2006 est donc son nouvel objectif. Cette fois-ci, le Kaiser ne sera pas sur le terrain, mais en tribunes. À la manière de Platini en 1998, il se dit qu'une Coupe du monde organisée en Allemagne pourrait bien servir ses intérêts. Mais pas que. Beckenbauer et le chancelier de l'époque, Gerhard Schröder, ont une autre idée derrière la tête. « Ce n'était pas intéressant que sur le plan du foot, c'était aussi pour montrer une autre image de l'Allemagne » , avouera le chef du gouvernement bien plus tard. Le but de ce Mondial est donc de promouvoir une Allemagne moderne, loin des clichés qui circulent à son propos.

Pour ce faire, le Kaiser se transforme en ambassadeur de la nouvelle coolitude allemande. « Il n'y est pas allé en rabâchant les clichés sur les Allemands, comme quoi nous sommes ponctuels, et savons nous organiser. Non, il y est allé sans pression, comme un ami, et a parlé de football avec les gens. C'est tout » , raconte Wolfgang Niersbach. L'heure de la compétition venue, Beckenbauer ne ménage pas ses efforts et, malgré ses 61 ans, paraît tout aussi fringuant qu'à 30. Entre le 9 juin et le 9 juillet, il parcourt plus de 20 000 kilomètres en hélicoptère pour survoler l'Allemagne et assiste à 46 matchs sur 64. À cela s'ajoute un voyage en amont dans chacun des 31 pays qualifiés pour le Mondial, soit 132 276 kilomètres parcourus en seulement six mois. « J'ai eu peur à un moment de ne plus avoir de force » , révèlera-t-il quelques années après les faits. Pour donner à tous les invités et participants la meilleure image possible de l'Allemagne, Beckenbauer se fait violence. Il sourit à tout le monde, pose pour le monde, parle à tout le monde. Son fort caractère ne ressort qu'à quelques occasions, le plus souvent lorsqu'il se retrouve en compagnie de ses potes du Bayern.

La Coupe du monde est un succès sans précédent. Le beau parcours de l'Allemagne, 3e de la compétition, y est évidemment pour quelque chose. Mais pas seulement : la qualité de l'organisation est louée par tous les pays participants. Les stades sont magnifiques, et même le beau temps est au rendez-vous. C'est un véritable « Sommermärchen » qui se déroule au pays des frères Grimm, un conte d'été. Pour la première fois depuis... toujours, les Allemands plantent leur drapeau noir-rouge-or dans leur jardin. Ils se réunissent par millions pour assister aux matchs sur les écrans géants. Ils sont fiers. Et Beckenbauer, le personnage qui a redonné en son temps ses lettres de noblesse à l'Allemagne sur le terrain dans les 70s, est de nouveau érigé en icône absolue de l'homme qui gagne, encore et toujours. De footballeur respecté mais clivant, il est devenu, en l'espace de quelques mois, le grand-père d'une nation allemande fière et réunifiée. Le journal Die Welt ira jusqu'à dire de lui qu'il est un modèle pour les Allemands : « Son aura illumine toutes les couches de la société. Et ses racines bavaroises ne l'empêchent en rien d'être une personne ouverte sur le monde. » Et si depuis, des soupçons de corruption pèse sur ses épaules, cela n'entache en rien sa réputation de l'autre côté du Rhin. Avec trois Coupes du monde à son actif, il va falloir autre chose que quelques armes refourguées à l'Arabie saoudite pour le virer de son piédestal.

Par Sophie Serbini

Ce que vous ne savez pas sur le Kaiser 2/2


- Lors de la saison 74/75, il marquera même contre son camp lors de deux matchs consécutifs (contre Offenbach, puis face au Hertha). Si bien qu'avant la rencontre suivante, Sepp Maier demandera en plaisantant à l'entraîneur Dettmar Cramer : « Et qui prend Franz au marquage, sinon ? »

- En 1986, Franz Beckenbauer est allé rendre visite au légendaire Lev Yachine à Moscou. Celui qu'on surnommait « l'araignée noire » et qui vivait dans la misère s'est vu offrir une nouvelle prothèse à la jambe par le Kaiser.

- Une légende urbaine tenace voudrait qu'en 1993, Franz Beckenbauer soit devenu papa et papi le même jour.

- Franz Beckenbauer a habité à Oberndorf, un bled non loin de Kitzbühel, en Autriche. Le nom de sa rue ? Kaiserweg (mais en référence à la région de Wilder Kaiser).

Beckenbauer a dit:

« Alors, ce Dante... Il n'a qu'à stopper le ballon, comme un Brésilien. Si au moins il était Islandais, ou s'il venait du pôle Nord, alors j'aurais pu dire qu'il portait encore ses chaussures de ski. Mais là, c'est effrayant. » Le génie géographique, épisode 2.

« Je ne suis qu'un homme, pas un magicien. Si vous en cherchez un, allez plutôt au cirque. »

« Le seul qui se soit bougé pendant la première période, c'est le vent. »

« Rehhagel est un entraîneur de première classe – tout du moins en 2e division. »

« On doit s'en tenir à la bonne vieille règle bavaroise, qui dit : never change a winning team. »

« Sortez. Et jouez au football. » La causerie la plus simple du monde, avant une finale de Mondial (90).

« C'est le héros de notre nation. Mais ça ne lui est pas tombé dessus. Il a acquis
ce statut à la sueur
de son front.
 »


Günter Netzer

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Rédaction

Charles Alf Lafon, Sophie Serbini, Ali Farhat, Côme Tessier, Thomas Goubin


Édition

Swann Borsellino


Design et coordination technique

Andy Randrianarijaona et Gilles François


Secrétariat de rédaction

Julie Canterranne


Crédits photo

Réactions (12)

Poster un message
par O Alegria Do Povo il y a 6 ans
Superbe dossier, superbe joueur, superbes références (le sketch des Monthy Pythons est cultissime).
Même les photos sont énormes (celle de Blatter en plein AVC, et la 1ère, ode au slobard d'antan et au bronzage raccro).

Franz Beckenbauer, un continent à lui seul.

par Manyathela il y a 6 ans
Superbe!
par schuey il y a 6 ans
Merci ! Merci ! Merci !
Der Kaiser, un monument du foot allemand, mais merci à Sofoot de le replacer dans son contexte international.
Ca fait plaisir!
On aurait pu dire qu'aujourd'hui Pépé Beckenbauer fout quelquefois la merde au Bayern, mais c'est vrai que son aura est assez dinguos...
Bref, l'ais je déjà dit mais MERCI
par ZizouGabor il y a 6 ans
Le joueur qui a véritablement révolutionné le poste de libéro offensif n'était pas Franz Beckenbauer, mais le yougoslave Velibor Vasovic, finaliste de la C1 en 1966 avec le Partizan Belgrade, qui va jouer à l'Ajax de 1966 à 1971 et remporter la C1 avec eux en 71. Il était même le capitaine de l'équipe. C'est lui qui enclenchait la ligne de hors-jeu très haut sur le terrain bien avant Baresi à Milan. Sur youtube, regardez le match Ajax-Celtic de 1971 (c'est en couleur), il a le n°5 et il est tout le temps fourré dans les 20-25 derniers mètres de l'équipe adverse. Il a dû arrêter sa carrière en 1971, à 31 ans car il était asthmatique. Et c'est à partir de là que Cruyff, sous la direction de Kovacs, a pris encore plus de liberté sur le terrain et l'Ajax est devenu une machine imprenable.

L' entraineur du Bayern entre 1963 et 1968 était Zlatko Čajkovski et de 1968 à 1970 Branko Zebec. Tous deux croates mais à l'époque yougoslave, ils ont façonné Beckenbauer en le faisant jouer comme Vasovic à partir de la saison 67-68, car il n'avait pas la résistance physique nécessaire et suffisante d'un Franz Roth pour occuper un poste de liaison au milieu de terrain. Ensuite Udo Lattek n'a fait que poursuivre ce qu'ils avaient entrepris.Il jouait au milieu avec l'Allemagne par défaut puisque le libéro (à l'ancienne) de l'équipe était le très respecté Willi Shulz, qui a pris sa retraite après le mondial 70.

Bref tout ça pour dire que Kaiser Franz n'a fait que "populariser" le poste de libéro offensif, mais je lui reconnais une classe incroyable sur le terrain et un leadership rarement égalé depuis.
par ZizouGabor il y a 6 ans
Et c'est assez couillu de sa part d'avoir dit en 77 qu'il se dopait en s'injectant son propre sang:
"plusieurs fois par mois, mon ami Manfred Koehnlechner me fait une prise de sang à un bras pour injecter ce même sang dans une fesse. Il en résulte une inflammation artificielle. Le nombre des globules blancs, et surtout celui des globules rouges, se multiplie alors et des forces de résistance sont ainsi mobilisées dans l'organisme."
par Monsieur HR il y a 6 ans
Un dossier totalement hagiographique. J'attendais un peu plus d'impertinence et d'audace de la part de SF.
Avant de devenir son coéquipier au Cosmos, Pelè disait que Beck n'avait aucun mérite, que lui (Pelé) pourrait jouer comme ça jusqu'à 70 ans.
Si cela n'a pas empêché Beck de devenir une figure emblématique du foot ball allemand, il en est resté à ce stade iconique, comme en témoigne son rôle purement honorifique au Bayern aujourd'hui. Ce qui ne lui interdit pas de parler à tort et à travers.
par Bota67 il y a 6 ans
Grand joueur..mais dossier qui entretient pas mal de mystifications comme souvent, d'ailleurs typiques (quoique non-exclusives) de l'époque.

Beckenbauer dut beaucoup à pas mal de monde..dont redevable singulièrement à certaine frange du monde politique allemand.. Sujet trop complexe, tordu meme.

Pionnier du libéro? Happel l'avait précédé d'une génération, et n'avait rien à lui envier...

Zsa-Zsa : je serais plus mesuré sur Vasovic..A l'instar du solde de la maturation du jeu ajacide, né d'un mix de plagiats, caprices individuels et méthodes douteuses, la ligne haute dressée par Vasovic ne procéda guère que d'un caprice de plus de la diva Cruijff, dès lors que celui-ci refusa d'effectuer des aller-retours incessants de 80 mètres.. Vasovic fut dans l'affaire un exécutant (le clan Cruijff faisait la loi), et Cruijff meme, pas plus que Michels, n'avait en l'espèce la vision qu'on lui prete, mix d'égotisme et d'empirisme.
par Bota67 il y a 6 ans
Pour le dopage, bah.. : c'est l'époque.

Dépistages balbutiants voire dont le bien-fondé était contesté, protocoles non-maitrisés, joueurs inconscients de la chose ou en mode complètement rien à branler (le gain matériel prenait alors le pas sur le gout du jeu, époque-charnière) ; on serait étonné du nombre de joueurs à s'etre publiquement épanchés sur la question, mi-candides mi-"où est le mal?"..

Pour en revenir à Beckenbauer, conservateur en tout : les biais médiatiques qui en ont fait, et en font encore, une espèce de révolutionnaire du jeu ne manqueront jamais de me faire sourire, mais bon.. La doxa a ses tetes depuis un demi-siècle, c'est comme ça..
par ZizouGabor il y a 6 ans
@Bota67: c'est pas faux ce que tu dis. Je rajouterai même qu'à la fin des années 60, l'Allemagne a produit un autres grand libéro offensif, Horst Blankenburg. Et selon les phases de jeu du Bayern, Schwarzenbeck aussi pouvait être offensif, c'est comme ça qu'il marque le but égalisateur contre l'Atletico Madrid en 1974.

Mais concernant Vasovic, c'était le défenseur le plus aventureux de son époque, toujours au milieu de terrain sur les phases offensives du Partizan Belgrade, c'est pour ça que Rinus Michels l'a fait venir à l'Ajax. Et c'est grâce à lui si les Kaiser Franz, Emlyn Hugues, Marius Tresor, Scirea, Baresi, Alan Hansen, Passarella ou Augenthaler ont pu émerger par la suite. Et je trouve que Velibor Vasovic n'a pas la reconnaissance qu'il mérite.
Qu'il soit un exécutant de la diva Cruyff, ça se tient, maintenant Vasovic avait de l'asthme, et un joueur comme Piet Keizer était plus réputé pour sa technique et sa finition que pour sa vitesse et son endurance. Le caprice de Cruyff servait à l'équipe finalement.
Le jeu de l'âge d'or de l'Ajax, plagiat ? Disons que Rinus Michels a perpétué une tradition puisqu'il a joué à l'Ajax sous les ordres de Jack Reynolds, le réel inventeur du football total (avec l'anglais Jimmy Hogan en Hongrie).
par Bota67 il y a 6 ans
Vasovic mérite évidemment le respect..et n'en manque tout de meme pas. Certes pas le plus encensé des Ajacides, mais bénéficiant néanmoins de la rente symbolique "Ajax" (dont on a dit, et dit encore, tant de betises..).

Tien, un nom qui me vient à l'esprit, l'anderlechtois Verbist, 1ère moitié des 60's.. Libéro hyper-classieux, qui mit sous l'éteignoir des Pelé ou Puskas (ben oui, rien que ça), et qui avait généralement pour consigne de jouer..dans le camp adverse, quasiment un meneur de jeu, doté il est vrai de vista et dribbling au top...

Pas de bol pour le gaillard : Anderlecht ne lachait pas ses meilleurs éléments (les grands d'Espagne et d'Italie le courtisaient), football amateur..or les médias n'auraient bientot plus d'yeux que pour des hommes d'argent, de frasques et/ou de pouvoir, genre Cruijff, Best..Beckenbauer... Pas forcément les plus doués..mais bien plutot les meilleurs/plus influents clients que cette époque a mis en avant, prudence, la seconde moitié des 60's c'est l'émergence pour de bon d'une ère bling-bling..

Ironie de l'Histoire : Verbist est désormais dépeint comme le "Beckenbauer belge", alors qu'il l'avait bien plutot précédé...et peut-etre meme inspiré.........

Keizer? De loin le moins ajacide des Ajacides, seul joueur véritablement doté de créativité, et toujours de loin (et effectivement) le moins endurant et athlétique aussi..

Mais pour le solde, détrompe-toi : c'était, et de très loin, l'équipe la plus physique d'Europe! C'était d'ailleurs le principal adjuvant de cette équipe, pressing oblige (car pour le reste..).

Le football total? Il y a eu tellement de variantes, tellement de sources............................. Chose certaine : les exclusives matières en lesquelles cet Ajax innova furent en tous points étrangères au terrain...

par ZizouGabor il y a 6 ans
J'aime bien citer Vasovic car non seulement c'était un libéro offensif mais il est aussi à l'origine du pressing moderne et du piège du hors-jeu (avec son partenaire en défense Barry Hulshoff). Un jour j'ai lu dans un bouquin que le 1er défenseur à avoir eu un impact sur les phases offensives de son équipe était Virginio Rosetta, de la grande équipe de la Juve et d'Italie des années 20-30. Il avait débuté comme attaquant.

Mais c'est sûr, il y avait déjà plein de libéro offensif dès le début des années 60, comme Germano du Benfica Lisbonne, le tchécoslovaque Jan Popluhar, le soviet-géorgien Mourtaz Khourtsilava, et bien sûr le belge Laurent Verbiest (J'ai lu que son décès dans un accident de voiture en 1966 était dû au fait qu'il était pressé de voir le match Manchester Utd - Benfica à la télé).

Et quand on y réflechit bien, c'est complètement idiot de penser qu'il n'y avait que Facchetti et Beckenbauer comme défenseurs offensifs sur une seule décennie, selon les mass médias consacrés au foot. Qu'ils aient réussi à construire un palmarès de légende dans leurs clubs, c'est une chose, mais l'idée les précédait depuis fort longtemps.
par Bota67 il y a 6 ans
Vasovic aussi m'est sympathique, affection singulière pour les ex-Yougos, me demande pas pourquoi.. Et puis son décès est bien triste, tabou qu'à ses causes profondes, victime de son temps..mais je ne ferai pas plus de commentaires à ce propos...

Rosetta, je ne connaissais point, merci. Pour fermer la boucle, dès la première moitié des 20's, l'ajacide Tetzner était salué pour sa pratique du.."hors-jeu offensif", comme quoi, oui : vieille histoire...Mais je me méfie de l'aura de Tetzner, homme de pouvoir et de médias, au coeur par ailleurs du clan Cruijff........ Ses réalisations (innovations?) des 20's sont certes indiscutables, évoquées et décortiquées déjà dans la presse d'époque..mais je connais trop les ressorts du mythe ajacide que pour ne pas m'en défier... Un Goethals, par exemple, avait bien plus théorisé et expérimenté la question du hors-jeu que n'importe quel acteur de l'Ajax des 60's-70's.

Verbist effectivement décédé car pressé de voir ce match, oui. Puis dans l'immédiate foulée, son club sera volé par l'arbitre contre le futur vainqueur de la C1, l'affaire Barberan ; époque particulièrement malheureuse pour le grand club belge, qui perdit en quelques jours son meilleur joueur (avec Jurion et Van Himst) non moins que de remporter une C1 dont ils étaient certainement sur pelouse la meilleure équipe.