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Franck Dufrennes : « Putain, y a Ancelotti ! »
À 24 ans, Franck Dufrennes a été la première recrue du PSG 2012-2013, bien avant les arrivées d’Ibrahimović et de Thiago Silva. Sauf qu’à lui, on n’a pas proposé 14 millions d’euros nets par an, mais plutôt d’encadrer les gamins de la CFA. Un rôle qui lui a permis de découvrir les entrailles d’un monstre du foot français. Et de rater un entraînement avec David Beckham… Aujourd’hui à Vannes, en National, le joueur revient sur cette année pas comme les autres.
Ça fait quoi de porter le maillot du PSG pour quelqu’un né en région parisienne ?C’est particulier, quand on est du coin, ça fait quelque chose de jouer dans le plus grand club de la région, voire même de France maintenant. Après une saison en National avec Colmar, je voulais voir ce qu’était une véritable structure professionnelle. Mais bon, il faut savoir que je suis un supporter marseillais à la base ! (Rires) Donc, oui, c’est une fierté de porter les couleurs du PSG, ça serait mentir de dire que ça ne m’a rien fait mais voilà, ce n’est pas non plus quelque chose qui m’a transcendé…
En signant là-bas, tu pensais que tu aurais peut-être autre chose à jouer, comme par exemple taper à la porte des pros ? Si je disais le contraire, je serais un menteur. Bien sûr que lorsqu’on signe au PSG, on veut tout faire pour montrer l’étendue de son talent. Mais ils ont été clairs avec moi. Ils m’ont dit : « Si tu signes un contrat pro d’une saison avec nous, c’est avant tout pour encadrer les jeunes de la CFA. Mais si t’es bon, t’es bon, on verra ce qui se passera… » Donc à partir du moment où on te dit ça, forcément qu’on essaye de tout faire pour taper dans l’œil du coach. Quand il (Ancelotti, ndlr) est venu une ou deux fois aux matchs ou quand il t’appelle pour aller t’entraîner avec les pros pour compléter le groupe, bien sûr que tu veux faire bonne impression. N’importe quel joueur du PSG qui va avec les pros, qui voit Ancelotti, et qui ne désire pas faire bonne impression, ben il n’a aucune ambition et il n’a rien à faire dans le foot.
Qu’est-ce qui t’as le plus marqué en termes de jeu chez les pros ?C’est la technique. T’as vraiment intérêt d’être bien réveillé ! Ils ne perdent pas un ballon, ça va beaucoup plus vite. C’est un autre monde, on est dans le très très haut niveau.
Un joueur qui t’as le plus impressionné ? Moi, en tant que joueur offensif, qui aime faire la dernière passe, jouer derrière un mec comme Gameiro, c’est quelque chose. J’ai eu la chance de faire quelques exercices avec lui, il fait toujours des appels tranchants, ça te facilite la passe, tout simplement. C’est assez impressionnant à voir. On a discuté un peu ensemble parce que l’on a un très bon ami en commun. Il m’a tout de suite mis à l’aise. Tous les joueurs sont très accueillants. C’est vrai que quand tu arrives, tu te dis « tiens, est-ce qu’ils vont être sympa, etc » , tu te poses plein de questions. Finalement tu arrives, ils te mettent tout de suite à l’aise. Ce qu’ils veulent, c’est que tu sois à la hauteur durant l’entraînement, c’est pour ça qu’ils te mettent dans les meilleurs conditions.
Tu parles de Gameiro, pourtant il a pas mal galéré ces derniers temps…Ouais… En plus, à chaque fois qu’il a joué, il a toujours été à la hauteur. Il a répondu présent, donc j’imagine que pour lui, c’était très frustrant. Maintenant, quand tu es au PSG, tu sais ce que cela implique. C’est des stars, c’est Ibra, c’est Cavani, c’est Lavezzi, donc même quand on s’appelle Gameiro, ça ne suffit plus, malheureusement pour lui. Dans n’importe quel autre club français, il aurait joué, il aurait marqué, ça j’en suis persuadé.
Être coaché par Le Mister, ça doit faire quelque chose ?
Ouais, mais il faut savoir qu’aux entraînements, il est là, mais ce n’est pas lui qui anime la séance. Du tout. Il intervient très rarement. C’est son adjoint Paul Clément qui est là et qui fait les équipes, qui dicte les exercices et anime les jeux. J’ai fait cinq séances avec eux, et je ne crois pas me souvenir qu’Ancelotti soit intervenu une seule fois. Mais oui, quand même, quand il est là, c’est impressionnant, tu te dis « Putain, y a Ancelotti ! » Ce n’est pas n’importe qui.
Bon du coup, ça ne sert à rien de te demander s’il est, comme les médias le disent, très paternaliste avec ses joueurs…Ah, mais ça se voit directement. Entre deux exercices, dès qu’il y a un peu de battement, il discute souvent avec ses joueurs, il y a toujours une petite tape dans le dos. Ça se voit qu’il est très proche d’eux.
As-tu ressenti une quelconque fracture dans le vestiaire entre étrangers et Français, comme on l’a souvent entendu la saison passée ?Tout ce que je peux dire, c’est que sur le terrain, le peu de fois où je suis allé m’entraîner avec eux, ça ne parle pas forcément français. Après, nous, quand on arrive… En fait, le Camp des Loges, il y a le camp de la CFA et des jeunes d’un côté, et en face de la rue, il y a le camp des pros. Donc nous, quand on arrive chez les pros, on est dans un vestiaire à part. On se prépare pour 10 heures, on se pointe sur le terrain, et ensuite les joueurs nous rejoignent. On n’a pas affaire à la vie du vestiaire, donc ça serait m’avancer que de dire qu’il y a une fracture ou pas, puisque je n’en sais absolument rien.
C’est pas frustrant d’être un peu à l’écart, comme ça ?Oui, c’est vrai que c’est assez bizarre. La première fois que j’y suis allé, je ne vais pas dire que j’ai été choqué, mais bon… On ne fait pas partie du même groupe, mais bon, à un moment donné, on porte tous les mêmes couleurs… Ils sont bien contents quand on vient faire le nombre durant les entraînements. Donc c’est vrai que d’arriver, ne voir personne, se changer tout seul et arriver tout seul sur le terrain en attendant tout le monde, ça fait bizarre. Après c’est le fonctionnement qui est ainsi, ça ne me dérange pas plus que ça.
Qu’est-ce qu’on ressent lorsqu’on t’appelle pour aller t’entraîner avec les pros ? Ah ben on est très, très contents. On se dit qu’ils font appel à nous parce qu’on a été bons le week end précédent, ou alors parce qu’ils nous ont trouvé bons lors du dernier entraînement avec eux et qu’ils veulent nous revoir. Vous savez, on s’imagine plein de choses… J’ai beau ne plus avoir dix-huit ans, mais même à vingt-cinq, ça fait toujours plaisir. Tu t’entraînes avec des pointures, même si j’ai souvent été appelé durant les semaines internationales, donc il manquait du beau monde. Mais il y avait toujours des gars comme Alex, Pastore, Nene, Gameiro. Enfin voilà, ça reste du lourd ! Un matin, j’ai même raté l’appel du coach de la réserve qui voulait me demander d’aller avec les pros le jour où il y avait David Beckham à l’entraînement !
Ah merde…Et ouais, j’étais un peu déçu, mais bon…
Cette année, de nombreux jeunes sont passés pro. Toi qui les as côtoyés, qui as joué avec eux, tu imaginais qu’ils pourraient aller plus haut ?Ah ben c’est… Je ne vais pas vous apprendre qu’au PSG, des joueurs de talent, il y en a à tous les postes et dans toutes les catégories. Ogenda ou Coman, ils ont une qualité technique, de percussion, une vision du jeu qui est très nettement au-dessus de la moyenne des gars de leur âge. Ils sont très en avance, ils ont des qualités physiques avancées, même si Ervin (Ogenda, ndlr) n’est pas très grand. Kingsley (Coman, ndlr), je n’en parle même pas, je n’ai jamais vu quelqu’un aller aussi vite avec le ballon. Ce sont des gamins pétris de qualités, et qui ont en plus la mentalité pour réussir. Alphonse (Areola, ndlr) aussi, car même s’il était déjà passé pro, il a fait beaucoup de matchs avec nous. Lui, il est incroyable, je n’ai jamais joué avec un gardien aussi fort. Il y a également le jeune Youssouf Sabaly, champion du monde U20 avec les Bleus. C’est un excellent défenseur et on risque d’entendre parler de lui assez rapidement.
Mais le PSG peut-il encore leur offrir du temps de jeu ? C’est compliqué, c’est une histoire de politique du club. La question de l’entraîneur se pose aussi : est-ce que Ancelotti faisait plus jouer les jeunes que Blanc ne le fera ? Je ne pense pas. Blanc est quelqu’un qui fait confiance aux jeunes, il a plus cette aptitude à lancer deux-trois jeunes dans le bain.
Tu parlais d’Areola, son prêt à Lens est-il une bonne chose selon toi ?Ben déjà, un mec comme ça, de cette qualité, de cette gentillesse, de ce professionnalisme-là, c’était une erreur de le garder en tant que troisième gardien de Ligue 1. Après, il avait deux très bons gardiens auprès de qui apprendre, mais se retrouver le week end à jouer chez des clubs de CFA où il y a dix personnes dans les tribunes… Voilà. Un mec comme ça… (Il réfléchit) Même s’il a toujours fait le boulot, c’est un gâchis pas possible… C’est un monstre, il est hyper fort. Il a de l’ambition, que ce soit à l’entraînement ou durant les matchs, il déteste prendre des buts. Quand on mène 4-0 et qu’il en encaisse un à la 90e, il va faire la gueule.
Tu as dit en interview que même les joueurs de la CFA vivaient comme des pros. Que voulais-tu dire par là ?C’est tout simple : on s’entraîne tous les matins comme les professionnels, on est équipés comme les professionnels, on a tellement de trucs que je n’ai jamais pu tout ouvrir. Des tee-shirts, des crampons, des maillots, des survêtements d’entraînement à ne plus savoir qu’en faire. Le jour du match, t’as l’entraîneur, quatre préparateurs physiques, deux kinés, tu as deux docteurs… Au moindre petit truc, dès qu’il y a un petit bobo, t’as un rendez-vous médical dans l’heure qui suit. On vit comme des pros, on est des pros. Tout est fait pour être dans les meilleures dispositions.
Il y a quelques mois, tu avais pronostiqué que le PSG ne serait pas champion de France 2012-2013. Tu es doué au Loto Foot ?Et oui ! Je joue souvent et je gagne très souvent ! Mais c’est vrai que j’ai dit ça. Je me souviens, c’était six mois avant la fin du championnat, quand les choses n’étaient pas au top. Au niveau de l’ambiance et tout ça, c’était un peu bizarre. Je me suis trompé, tant mieux pour eux. À cette époque-là, qui je voyais champion déjà ? Ah oui, Lyon. Paris était intrinsèquement meilleur, y a pas photo, mais dans le comportement d’équipe, je voyais mieux Lyon que Paris. Voilà, je me suis trompé. J’espère que je ne me tromperai pas cette année en disant que Marseille sera champion ! (Rires)
Propos recueillis par Aymeric Le Gall