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Fiorentina-Roma, entre sales gosses
Entre les joueurs de la Fiorentina qui bravent régulièrement le règlement intérieur du club, et ceux de la Roma qui se mettent des gnons en pleine poire, la rencontre entre les deux équipes ressemble plutôt à un rassemblement des vilains petits canards de la Serie A.
L’affaire fait les gros titres des quotidiens transalpins depuis une semaine. Après le match perdu face à l’Udinese, Pablo Osvaldo, l’attaquant de l’AS Roma, a mis une mandale à son coéquipier, Erik Lamela. La raison ? Lamela, au cours de la rencontre, aurait oublié de lui faire une passe, ce qui a irrité l’attaquant italo-argentin. A la fin du match, dans les vestiaires, ce dernier lui a reproché, mais Lamela a préféré ignorer les reproches. Vexé, Osvaldo aurait tenté de lui faire la morale ( « Ici, tu n’es pas à River, quand je te parle, tu me réponds » ), ce à quoi le jeune Argentin aurait répondu : « Ferme ta gueule, ce n’est pas comme si tu étais Maradona » . Dernier mot. Bim. Une grosse patate. Un acte presque libérateur, pour Osvaldo, même si le joueur a rapidement regretté. En effet, le lendemain, il est officiellement suspendu pendant dix jours par son club, à la demande de Luis Enrique, qui ne peut tolérer ce genre d’incidents dans son équipe. Alors, l’ancien de l’Espanyol Barcelone a pris sa fierté, l’a gentiment posé dans un coin, et s’est excusé auprès de Lamela et de ses coéquipiers. Et pour enterrer la hache de guerre, il a même invité tout le monde au restaurant, comme des vrais copains. Fin de l’histoire ? Peut-être. Ou peut-être pas.
Francesco le grand frère
Depuis le début de la saison, on ne peut pas dire que l’ambiance soit au beau fixe à l’AS Roma. Avant chaque rencontre, les joueurs se foutent en rond, et De Rossi, capitaine intérimaire en l’absence de Totti, motive ses troupes au milieu de la ronde. De belles images. Mais de belles images pour mystifier la réalité ? De fait, les cas de querelles sont nombreux depuis le début de la saison. La plus célèbre, c’est celle entre Totti et Luis Enrique. Le Capitano n’avait pas aimé le traitement réservé par le coach espagnol, et s’était pointé à Trigoria avec un t-shirt « Basta » . Ça suffit. Bah ouais, ça a suffi : quelques matches plus tard, Totti se blesse. Deuxième acte, après une défaite contre le Milan AC (2-3). L’ancien Marseillais Heinze s’en prend verbalement à son coach, lui reprochant de faire n’importe quoi sur le plan défensif. Pan. Punition : Heinze se tape tout le match suivant, face à Novara, sur le banc. On l’aura compris, l’atmosphère est loin d’être sereine, dans le vestiaire giallorosso.
Et les résultats n’aident pas à rasséréner tout ça. Cinq défaites en douze journées, une élimination au tour préliminaire de l’Europa League et une septième position en Serie A, à neuf points du leader. Le match contre la Fiorentina, cet après-midi, prend donc des faux-airs de dernière plage pour Luis Enrique. Une défaite pourrait plonger les Romains dans la crise et mettre leur entraîneur dans une situation compliquée. Certaines équipes, dans l’histoire, ont prouvé que l’on ne gagnait pas forcément avec une équipe bisounours. Impossible, par exemple, de ne pas penser à la Lazio championne d’Italie 1974, une équipe de voyous, dont la plupart ne pouvaient pas se piffrer. Mais une fois sur la pelouse, c’était tout pour l’équipe. Or, la Roma n’a pas encore dépassé ce stade. La preuve, à la fin du match contre l’Udinese, les anciens (De Rossi en tête) auraient reproché aux nouveaux de ne pas assez s’impliquer et de manquer d’esprit de sacrifice. A Florence, la Louve devrait néanmoins retrouver son âme, avec le retour de Francesco Totti. Luis Enrique a d’ailleurs bien l’intention de s’en remettre à lui. Car personne, mieux que le Capitano, ne peut jouer le rôle de grand frère.
Une bande de jeunes effrontés
Dans l’autre camp, le grand frère a été évincé. Sinisa Mihajlovic, sorte de père adoptif de tous les joueurs de la Fiorentina, toujours prêt à faire la morale ou, à l’inverse, à féliciter, n’a pas passé l’automne. C’est Delio Rossi qui a récupéré les miettes. Mais à Florence, les maux semblent plus profonds. Contrairement à ce qui peut se passer à la Roma, il n’existe, en apparence, aucun conflit entre les joueurs. Ce sont les joueurs, eux-mêmes, qui se foutent dans des situations improbables. Dernier exemple la semaine dernière. Après un match de Coupe remporté de justesse contre Empoli (2-1), trois joueurs, Cerci, Lazzarri et Pazzagli, se rendent à un baptême. Ils en rentreront avec deux heures de retard, et avec une quantité d’alcool dans le sang supérieure au seuil réglementaire. Sans tarder, le club décide de les punir avec une amende. Houssine Kharja, quelques semaines auparavant, avait quant à lui reçu un match de suspension pour s’être rendu à Milan sans la permission de son coach. Enfin, quatre joueurs de l’équipe (Babacar, Ljajic, Gulan et Jovetic) ont connu des problèmes avec la police à cause de permis de conduire non-valables en Italie. Résumé ainsi, la Viola a juste l’air d’une jolie bande de jeunes effrontés. Mais en réalité, il s’agit là de l’expression d’un certain malaise.
De fait, la Fiorentina est une équipe qui a été construite par un directeur sportif, Corvino, et non pas par un entraîneur. Mihajlovic avait demandé des joueurs cet été. Il n’a pas été écouté. Où se situe donc le mal de la Fiorentina ? Un peu partout, en fait. Déjà, le milieu de terrain est incohérent. Aquilani aurait dû arriver cet été. Il a fini au Milan AC. Du coup, c’est Montolivo, qui a déclaré depuis longtemps qu’il souhaitait partir, qui tient la baraque. Sans grande motivation. Même problème pour Gilardino. Ses deux buts inscrits cette saison (un en championnat, un en Coupe) sont la preuve que l’attaquant a fait son temps dans la ville des Médicis. Il aurait souhaité partir à la Juve en janvier dernier. Les dirigeants florentins l’ont retenu. Voilà le résultat. Un discours qui peut également être élargi à Vargas, passé de monstre du milieu de terrain à poisson hors de l’eau. Des cas isolés de joueurs qui ne sont pas dans leur assiette et qui, mis bout à bout, créént un climat délétère, où chacun pense qu’il peut faire ce qu’il veut. Résultat : la Fiorentina est seizième, à trois points du premier relégable. Dur. Pour le match face à la Roma, Delio Rossi a donc pris ses responsabilités, en imposant un stage pour tout le monde, quatre jours avant la rencontre. Un seul mot d’ordre : union. Cela se dit pareil en espagnol, non ?
Eric Maggiori