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Fatal Furiani
Une pétition voudrait que la catastrophe de Furiani récolte autant de considération que le drame du Heysel. La Ligue, qui a dans un premier temps balayé la proposition, va peut-être devoir s’expliquer. C’est qu’il y a déjà près de 30 000 signatures.
En 2008, Christian Maggio s’apprête à quitter la Sampdoria. Il est annoncé au Milan AC. En Lombardie, une pétition circule. S’il venait à porter le fameux maillot rouge et noir, les tifosis voudraient qu’il arbore également le numéro 5. Pourquoi ? Parce que « 5 Maggio », cela fait référence au 5 mai 2002, jour où l’Inter a perdu le titre in extremis au profit de la Juve. En Corse, il y a beaucoup de fans du Milan AC. Pour le coup, on peut être sûr qu’ils n’auraient pas commandé ce maillot. Pour eux, le 5 mai, c’est surtout celui de 1992, celui de la tragique catastrophe de Furiani. Mais à la limite, ils n’en veulent pas aux Italiens, puisque dans le monde du football, il n’y a rien pour se souvenir de cette date. L’effondrement de la tribune Nord du stade Armand Cesari, lors de la demi-finale de coupe de France contre l’OM, a pourtant fait 18 morts et 2300 blessés.
La LFP ne veut pas faire comme pour le Heysel
Lauda Guidicelli y a notamment perdu son père, Pierre, technicien pour la locale de France Bleu. Étudiante en droit à Aix, comme tout Corse qui se respecte, la jeune fille a lancé une pétition avec sa sœur et le comité de soutien aux victimes pour que ce jour soit vierge de toute rencontre en France, comme cela se fait en Angleterre avec le Heysel et Hillsborough. « C’est une démarche humaine, apolitique. On veut juste faire appliquer la promesse, faite par François Mitterand, de ne plus jouer le 5 mai » explique-t-elle. Le 5 mai 2012, pour la LFP, c’est la 36ème journée de Ligue 1. La déplacer, c’est le risque de se fâcher avec les gentils diffuseurs et avec le sélectionneur qui veut attaquer l’Euro dans les meilleures conditions.
Sauf que ce qui est demandé, c’est juste de déplacer les matchs du 5 mai au 4 ou au 6, pas forcément au mois suivant ! « C’est pas inconcevable de faire un match le vendredi, et le reste le dimanche après-midi. Pour les organismes, ce n’est pas un changement majeur et pour les téléspectateurs, tout le monde sait très bien de toute façon que lorsqu’ils veulent voir du foot, ils le voient, s’indigne Lauda.Pour le G20, ils ont tout décalé en 4 jours et là, des mois à l’avance, ce n’est pas possible ? On a l’impression de demander la lune … » . Problème, le dimanche, c’est le deuxième tour des élections. « Mais Guy Roux m’a certifié qu’en 2002, ils avaient joué un match en retard à Sedan avec Auxerre le jour des élections » clame la jeune fille. En 2007, l’OM s’était également imposé à Louis II alors que Sarkozy réunissait ses copains au Fouquet’s.
L’OM, un soutien opportuniste mais bienvenue
Bon prince, le directoire de la Ligue a dans un premier temps proposé le package classique « brassard noir + minute de silence ». Conscient que cela n’allait servir qu’à récolter les sifflets des tribunes adverses, le collectif demande plus. La Ligue propose alors de décaler les rencontres … des clubs corses. Marrant, quand on sait que l’île de beauté est généralement décrite comme n’étant rattachée au royaume français que lorsque cela arrange ses habitants. En fait, cela semble plutôt être une question de bon vouloir de l’administration française. Le 18 décembre dernier, le délégué de la Ligue a également fait pression pour que les supporters de Bastia enlèvent une banderole où il était inscrit « 5.5.92 bafoué, la Ligue n’a aucun respect » . Heureusement, la cause est soutenue. Sur Internet déjà, par près de 30 000 personnes (voir la pétition en ligne), mais aussi du côté de Marseille. « On a très vite reçu un e-mail de Vincent Labrune, et du côté des clubs de supporters, ils se bougent, détaille Lauda.Après, il y a peut-être des intérêts que l’on ne maîtrise pas » .
Déjà, à l’époque, Bernard Tapie avait refusé de rejouer la rencontre par solidarité, amenant la Fédé à annuler la 75e édition de la coupe de France. Le 5 mai 2010, les Marseillais redevenaient champions de France à la faveur d’un match avancé contre Rennes. A Bastia, la célébration du titre a été accueillie par des coups de fusils en direction de ceux qui célébraient un peu trop fort la conquête d’Hexagoal. Heureusement, Didier Deschamps calma les esprits en ayant immédiatement une pensée les victimes de la tribune effondrée. Il est encore aujourd’hui en première ligne des soutiens, comme pour mieux enterrer la hache de guerre entre les deux clubs. « Eux nous soutiennent, et c’est pas le cas de tout le monde » constate Lauda.
Décision le 3 janvier
Car nombreux sont les présidents de club à se ranger du côté de la Ligue, derrière la triplette Thiriez – Louvel – Le Lay, bien décidée à sauvegarder les intérêts du football gaulois. La prochaine étape, c’est une réunion le 3 janvier entre David Douillet, le nouveau ministre des sports, Frédéric Thiriez et les membres de l’association. Pas impossible donc, qu’une nouvelle explication pleine d’incohérence soit de sortie ce jour-là…
Par Mario Durante