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Fais-toi mal, Johnny Johnny Johnny !

Par Matthieu Rostac, à Amsterdam
6 minutes
Fais-toi mal, Johnny Johnny Johnny !

Johnny Heitinga est de retour à l'Ajax Amsterdam sept ans après son dernier match sous la tunique rouge et blanche. Un club qui l'a vu grandir puis souffrir. Mais peut-être moins que les autres formations dans lesquelles il a évolué tout au long de sa carrière.

17 juillet 2015, Amsterdam ArenA. L’Ajax et le VfL Wolfsburg se dirigent tranquillement vers un match nul après avoir vu deux buts assez remarquables signés Klaassen et De Bruyne. Mais la plus belle action de ce match est encore à venir. À la 74e minute de la partie, les 49 000 âmes venues garnir l’antre ajacide se lèvent comme un seul homme pour en applaudir un autre, au bord du terrain, qui s’apprête à faire sa rentrée : John Heitinga. Le défenseur central de 31 ans foule alors pour la première fois depuis sept ans cette pelouse qui l’a vu débuter dans le football professionnel, avant que les supporters ajacides n’entonnent un « Oh Oh Johnny ! » en son honneur. À juste titre : de la dernière grande génération de joueurs enfantée par l’Ajax au début des années 2000, il est le dernier à être parti. Et le premier à être revenu, pendant que Van der Vaart et Sneijder se finissent tranquillement sous le soleil méditerranéen. En ce 17 juillet 2015, Heitinga porte le 15. Mais il portera officiellement le 5 lors de la saison d’Eredivisie 2015-2016. Et par le passé, il a déjà porté le 2, le 3, le 4, le 12 au sein du club amstellodamois. Aux chiffres, celui qui a grandi à Alphen aan de Rhijn mais dont Amsterdam fait battre le cœur depuis tout petit, a toujours préféré les mots pour évoquer son Ajax chéri. Précisément ceux du chanteur André Hazes, qui résonnent chaque semaine dans les travées de l’ArenA : « Bloed, zweet en tranen » . « Du sang, de la sueur et des larmes » en français. Une chanson à l’image de la carrière de Heitinga.

Un avenir tout (trop ?) tracé à l’Ajax

Tout avait pourtant bien commencé pour le défenseur central. Entré à l’âge de sept ans à l’académie ajacide après un passage de quelques années à l’Alphense Racing Club, le gamin est déjà un taulier en équipes de jeunes, au point d’apparaître en sélection nationale dès les U15. En décembre 2000, il est présenté comme l’avenir du club dans le documentaire Ajax : Hark the Herald Angel Sings, en compagnie de Gregory van der Wiel et Jeremain Lens. Huit mois plus tard, la prophétie se réalise : Heitinga fait son apparition dans le groupe pro alors qu’il n’a que 17 ans lors d’un match contre… le Feyenoord Rotterdam. Normal. Pour sa première saison chez les Godenzonen, l’ancien joueur d’Everton participe à dix-neuf rencontres, dont quinze en championnat, et réalise le doublé coupe-championnat. À titre individuel, le joueur est élu « Sportif amstellodamois de l’année » et « Meilleur espoir de l’Ajax » . Suivez la ligne blanche, Monsieur Heitinga : direction le panthéon des joueurs de l’Ajax. Sauf qu’en chemin, Heitinga a fait une légère sortie de route. Blessé au genou, il reste éloigné des terrains pendant six mois, avant de reprendre un peu de rab’ pour avoir voulu revenir sur les terrains trop tôt. Saison 2002-2003 presque blanche pour lui (un petit match joué).

Mais Heitinga finit par revenir en début d’exercice suivant et contribue une nouvelle fois à la victoire finale ajacide en championnat dans un effectif taillé pour beaucoup plus que la simple Eredivisie : Ibrahimovic, Van der Vaart, Trabelsi, Sneijder, Maxwell, De Jong et Sonck. Rien que ça. Amorcée par Zlatan – légèrement à son insu, ceci dit – la fuite des cerveaux va devenir une constante durant les mercato estivaux des années 2000. Tout le monde veut un bout de cette jeunesse rouge et blanche : Van der Vaart à Hambourg en 2005, Trabelsi à Machester City, Maxwell à l’Inter et De Jong également à Hambourg en 2006, Snejder au Real Madrid en 2007. Heitinga, lui, reste à quai malgré ses 31 sélections en Oranje. Même Ryan Babel partira avant le défenseur central, à Liverpool, en 2007. La raison ? Heitinga a du mal avec la concurrence, notamment celle du rookie Vermaelen qui le supplante en défense centrale lors de la saison 2005-2006.

Vendu à Everton puis expulsé en finale du Mondial « par défaut »

Mais le natif de Alphen aan de Rhijn va une nouvelle fois revenir dans le onze type ajacide. En compagnie de Jaap Stam, venu se finir du côté d’Amsterdam, il compose une charnière parfaite. Un jeune, un vieux, deux bouchers. Et si Adrie Koster laisse le brassard de capitaine à Huntelaar lorsque Stam part à la retraite, c’est bien Heitinga le patron de l’effectif ajacide jusqu’à l’été 2008. L’ancien joueur d’Everton signe alors à l’Atletico Madrid pour la somme rondelette de 10 millions d’euros. Les Matelassiers viennent de terminer quatrièmes de Liga et comptent bien rester juchés dans les hauteurs du classement. Sur le papier, même si certains considèrent qu’il aurait pu espérer « mieux » , ce transfert à l’Atletico semble logique pour Heitinga : un homme dur au mal, guerrier et un peu galérien sur les bords. L’aventure ne durera qu’un an. La puissance offensive de Forlan et Kun Agüero ne peut masquer indéfiniment la défense gruyère de l’Atletico, notamment lors de ce 6-1 infligé par le Barça. Heitinga et Ujfalusi sont pointés du doigt. Mais Ujfalusi a la faveur des supporters… Pour 7 millions d’euros, le défenseur batave signe à Everton, qui vient de terminer à une étonnante cinquième place de Premier League.

Au sein de l’effectif de David Moyes et dans la peau d’un outsider du championnat d’Angleterre, Heitinga semble avoir trouvé chaussure à son pied. Mais le destin a décidé que rien ne roulerait comme sur des roulettes pour le beau-frère de Boudewijn Zenden. Au mondial sud-africain, Heitinga a dépassé la barre des 50 sélections mais il ne sait pas encore que la plus importante d’entre elles sera aussi la plus funeste : à la 109e minute de la finale entre l’Espagne et les Pays-Bas, l’ancien ajacide prend un deuxième carton jaune pour un accrochage sur Iniesta. La suite, on la connaît. Une sanction en forme de double peine de la part de Howard Webb qui avait laissé passer le high kick de Nigel de Jong sur Xabi Alonso. Une nouvelle fois, Heitinga, qui avait pour habitude au début de sa carrière d’être au bon endroit au bon moment, prend un grand coup de karma et finit par raquer méchamment pour les autres.

Joueur de l’année à Everton en 2012

C’est lors de ce tournoi que Johnny Heitinga a pris goût aux chansons d’André Hazes, qui tournent en boucle dans les vestiaires bataves lors des avant-matchs. Et comme un symbole, quelques instants avant de rentrer sur le terrain face à l’Espagne, les Oranje ont écouté Bloed, zweet en tranen et Ik leef mijn eigen leven ( « Je vis ma propre vie » ). Alors, le joueur au sourire ultra-bright ira vivre sa propre vie du côté d’Everton, où il finira par glaner le titre de « Joueur de l’année en 2012 » . Le début de la fin pour Heitinga : le défenseur fait partie du fiasco néerlandais à l’Euro ukraino-polonais et ne reviendra en sélection qu’une poignée de fois. En club, il perd sa place au profit d’une charnière Distin-Jagielka et doit se contenter de bouts de matchs où il se montre emprunté.

Pour la première fois, Heitinga semble battu : malgré les louanges de David Moyes, il refuse une prolongation de contrat et exhorte Everton de le laisser partir. Libéré au mercato hivernal 2013-2014, il signe à Fulham mais ne peut empêcher le club londonien de descendre, puis évite la relégation de peu la saison suivante dans son nouveau club du Hertha Berlin. D’aucuns diront que Johnny Heitinga n’est qu’une vieille carne perdue pour le football de haut niveau et que l’Ajax fait dans la charité chrétienne en lui offrant ce contrat d’un an avec une saison supplémentaire en option. Mais s’il y a bien une chose que l’Ajax sait mieux que quiconque, c’est que Heitinga est prêt à verser encore quelques gouttes de sang, de sueur et de larmes pour son club de toujours.

« La gestion des gardiens sous QSI, c'est grotesque »

Par Matthieu Rostac, à Amsterdam

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