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Éric Bauthéac : « La première fois, ce sont les enfants malades qui m’ont remonté le moral »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
9 minutes
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Éric Bauthéac est un footballeur tranquille et sans histoire. À Lille depuis cet été, le natif du Languedoc-Roussillon a créé sa propre association, Aktebo, pour venir en aide aux familles d'enfants malades. Interview légèrement philanthropique.

Comment cela se passe l’adaptation à Lille ? L’hiver approche, tu vas rentrer dans le dur par rapport à ce que tu connaissais à Nice…

C’est sûr qu’il y a pas mal de degrés de différence, mais comme disent les gens du Nord, « c’est le cœur qui réchauffe » (rires). Et puis au LOSC, il y a un effectif assez chambreur, pas mal de camaraderie, donc cela facilite les choses. Dès le premier jour, je me suis senti à l’aise ici, car c’est parti en chambrage, c’est une ambiance sympa.

Pour ton bizutage, plutôt que chanter, tu as dansé…

(Il rigole et coupe) Ce n’est pas moi qui ai décidé de danser, j’aurais préféré chanter. Le bizutage lillois, c’est la danse. J’ai fait ce que je pouvais, car je n’ai même pas eu le choix de la chanson.

Dans le groupe, cela doit être un avantage de bien connaître Renato Civelli, ancien coéquipier à Nice ?

Oui, on se connaissait à Nice, et je connaissais aussi Séb Corchia, car on se croisait souvent en match, lui étant arrière droit et moi milieu gauche. Je connaissais également Mounir Obbadi quand j’étais à Nice et lui à Monaco, cela nous arrivait de nous croiser. Et il y a Steeve Elana que j’ai connu à Brest. Les autres, je ne les connaissais pas personnellement.

Dans La Voix du Nord, tu avais indiqué que le discours d’Hervé Renard et son côté proche des joueurs t’avaient convaincu de venir. Après plusieurs mois, la première impression s’est confirmée ?

Lui et tout son staff, ils sont très performants et proches des joueurs. On sait qu’on peut parler à l’entraîneur sans prendre forcément des gants. Parfois, il y a une barrière, tu ne peux pas trop t’exprimer, alors que là, on sent qu’on avance ensemble, on peut se dire les choses.

Tu as comparé Hervé Renard à Patrice Carteron, ton entraîneur notamment à Dijon.

Oui, je l’avais suivi à Dijon, il a toujours cru en moi. Quand j’étais en formation à Saint-Étienne, lui était en pro et nous voyait jouer. Quand il est devenu directeur sportif et coach, il m’a de suite appelé. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour Patrice Carteron, car en tant que joueur, c’était un vrai chien sur le terrain, un mec qui mouille le maillot, j’adorais ça. Je savais qu’il me donnerait l’élan pour grandir et je l’ai suivi. Renard et Carteron, c’est un peu le même management.

En parlant de Renard et Carteron, tu as évoqué un contraste avec Claude Puel, un entraîneur plus distant… Tu gardes quel souvenir de lui ? Positif ou pas ?

Positif ! J’y ai joué trois ans avec une première saison exceptionnelle où on termine 4es, on se qualifie pour l’Europe. Claude Puel m’a fait progresser, mais c’est vrai que ce n’est pas le coach qui va vers ses joueurs. Il est en retrait, c’est difficile de lui parler. Il a de la bouteille, il est impressionnant et assez froid, donc c’est plus difficile d’aller vers lui et de lui dire ce que l’on ressent, alors qu’avec Renard, on sait qu’il n’y a pas de problème.

À Nice, tu as vu de près la situation difficile de Grégoire Puel, pris en grippe par le public…

Grégoire est resté humble, et très professionnel, ce qui est à son honneur. C’est toujours compliqué, une situation avec un père qui coache son fils. On essayait de lui remonter le moral, mais il prenait vachement sur lui, c’était un mur. Il était bien costaud. Il est au Havre, tant mieux pour lui, il peut prendre un nouvel élan.

Quand tu vois le jeu que produit Nice actuellement, cela te donne des regrets ou simplement un peu d’envie ?

Quand tu les vois jouer, tu te dis qu’ils doivent se régaler. Rien que les trois au milieu, avec l’éclosion de Koziello, que je trouve impressionnant… Et puis ils ont fait un recrutement intelligent, Hatem par exemple, tout le monde le voit, il est revenu à son meilleur niveau et il fait la différence. Un mec comme Seri, il est super intéressant, et que dire de Valère Germain ? Il est complémentaire avec Hatem. C’est un attaquant qui ne croque pas le ballon, qui joue pour le bien de son équipe. Actuellement, les Niçois jouent les uns pour les autres, c’est agréable à regarder.

Un projet de jeu ne se met pas en place en quelques semaines. Quand tu étais à Nice, tu voyais ce style de jeu en phase d’installation ?

Avec l’arrivée de Claude Puel, le jeu a été basé sur la technique et les passes courtes. On n’était pas de grands joueurs par la taille, donc on devait faire autrement. Regardez le milieu actuel Mendy-Seri-Koziello, ce sont trois « petits » qui doivent compenser par le jeu. Cela nous avait bien réussi la première saison que j’ai vécue à Nice, moins les deux suivantes avec une saison dernière à la 11e place, qui correspondait à notre niveau.

Cet été, tu as choisi Lille alors qu’il y avait des prétendants anglais et allemand. L’étranger ne t’a jamais tenté ?

J’ai été tenté, bien sûr, mais des raisons familiales m’ont poussé à rester en France cette saison. Je n’aurais peut-être plus l’occasion, mais je ne regrette pas. Si dans deux ans, des clubs anglais tapent à la porte, on verra, mais là je me sens bien à Lille et je ne me prends pas la tête. Lille, c’est un top 8 en France, quand tu entends que le LOSC te veut, forcément tu réfléchis. Le stade est exceptionnel et tu joues devant au moins 30 000 personnes. Les gens sont passionnés ici. Le centre d’entraînement à Luchin est exceptionnel, il y a tout pour bien évoluer. J’ai 28 ans, mais je continue de progresser et je me régale.

Il ne manque que le derby contre Lens…

On m’en a parlé du derby. Peut-être qu’on pourra les rencontrer en coupes, mais c’est vrai qu’ils ont mal démarré en Ligue 2 et que ce sera dur pour eux de remonter. J’aimerais bien vivre l’ambiance d’un derby Lille-Lens. C’est dommage qu’ils soient en Ligue 2, car ces matchs pimentent une saison. Bollaert, c’est le seul stade que je n’ai pas fait en professionnel, j’aimerais bien connaître l’ambiance d’un Lens-Lille pour juger par moi-même.

La montée en Ligue 1 avec Dijon, c’est ton plus beau souvenir de footballeur ?

Personne ne nous attendait, c’était la première montée de l’histoire du club. On a traversé la ville en bus à ciel ouvert, c’était notre Coupe du monde 1998 à nous, c’était exceptionnel. Mais la qualification de Nice pour la Ligue Europa, c’était pas mal aussi, car on n’était pas attendus. J’espère vivre des moments comme ceux-là avec Lille aussi. C’est dans des moments comme ceux-là que tu es content d’être footballeur, vivre cela, ce n’est pas donné à tout le monde.

Tu as été parrain de l’association Gendarmes de cœur, au même titre que Valère Germain, Jérémy Toulalan ou le basketteur Ronny Turiaf, comment tu as été amené à accepter ce rôle ?

En fait, chaque saison il y a un joueur différent, Valère vient de prendre mon relais. Moi, je viens de créer ma propre association. J’étais co-fondateur de Sourire et Partage, mais c’était sur la Côte d’Azur, donc j’ai fondé ma propre association à Lille, Aktebo. On vient en aide aux familles d’enfants malades ou en difficulté. On a sorti une application mobile pour récolter des fonds, Pronozeo. C’est une application de pronostics gratuite, et on fait gagner des lots, notamment chaque mois le maillot qu’un joueur a porté en match. On a plein de lots, cela commence à prendre. On organise aussi des tournois de foot, et on reverse l’argent récolté à des familles qui en ont besoin. Il y a une équipe qui travaille derrière tout cela, car si j’ai eu l’idée de départ, je n’ai pas le temps de m’en occuper à plein temps. Sur Pronozeo, il y a une quarantaine de joueurs pros qui jouent, donc les gens peuvent se mesurer à nous.

Concrètement, vos actions consistent en quoi ?

On aide surtout les familles en difficulté. Par exemple, un enfant qui doit partir en chimiothérapie dans une ville, mais les parents n’ont pas les moyens de le suivre, entre l’essence, le péage, l’hôtel. On vient en aide à ces familles-là pour qu’elles puissent rester proches de l’enfant. Pour le petit, c’est quand même mieux d’avoir ses proches pour le soutenir.

Elle t’est venue comment, cette envie d’aider ?

À Dijon, plusieurs fois, on est allés dans les hôpitaux pour voir les enfants, cela m’a touché. Je me suis dit qu’une ou deux fois par saison, ce n’était pas assez. Parfois, les enfants sont coupés du monde, car ils sont dans des bulles, protégés de tout. Ils doivent rester des semaines, des mois en quarantaine parce qu’ils n’ont plus de défenses immunitaires. Les gamins victimes de maladies orphelines, ceux qui doivent faire de la chimiothérapie ou attendent une greffe… Avant sa greffe, le petit reste dans une bulle, en quarantaine pendant des mois, parfois une année, il ne peut voir que ses parents et les infirmières. Ces enfants, quand ils nous voient, ils sont aux anges, car habituellement, ils ne nous voient qu’à la télé. De les voir sourire, cela me touche énormément, c’est pour cela que depuis que je suis à Nice, j’essaie de me déplacer plus souvent dans les hôpitaux pour voir ces enfants, discuter et rigoler avec eux. Car ils ont besoin de ça. Parfois je passe des après-midi dans les hôpitaux, j’ai pas mal de numéros de téléphone d’enfants avec qui on s’envoie des messages ou s’appelle de temps en temps pour prendre des nouvelles. Certains m’envoient des messages après les matchs. Certains sont… (il cherche ses mots) c’est dur de dire ça, mais certains sont un peu devenus mes enfants.

Tu t’attaches à certains de ces enfants. Quand l’un d’eux a des complications cela doit être très difficile à vivre…

C’est très dur, on en a perdu, des enfants. Dans ces moments-là, tu te dis que les petits tracas de la vie parce que tu as loupé un but ou foiré un match, ce n’est rien du tout, c’est ridicule à côté de cela. J’aimerais bien sensibiliser certains joueurs à la vie de ces enfants-là, qu’ils comprennent que leurs tracas ne sont rien comparés à ça.

Les enfants malades sont souvent plus conscients de ce qui est vraiment important…

C’est vrai, ils ont conscience de leur maladie, certains savent qu’ils vont partir. Des enfants savaient qu’ils ne leur restaient que quelques mois ou semaines, et là ils profitent de chaque moment de leur vie. On en a sorti quelques-uns pour les emmener à Disney notamment. C’est vrai que dans ces moments-là, il faut profiter de chaque seconde. Parfois, ce sont ces enfants qui te donnent une leçon de vie. Je me rappelle ma première fois, je n’ai pas pleuré, mais j’étais touché, très ému, j’étais triste de les voir ainsi. Ce jour-là, ce sont les enfants qui m’ont remonté le moral. Là, tu te dis que c’est extraordinaire. Maintenant, j’y vais et je rigole, car les enfants n’ont pas besoin de quelqu’un qui pleure à leur chevet, mais de quelqu’un de bonne humeur, qui les fait rigoler, penser à autre chose. Quand j’y vais, j’essaie d’avoir la banane et de leur faire du bien.

Parce qu’Éric Bauthéac est vraiment un mec bien, il aime aussi la pétanque.

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Propos recueillis par Nicolas Jucha

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