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Eddie Howe, le héros de Bournemouth

Par Romain Duchâteau
6 minutes
Eddie Howe, le héros de Bournemouth

À trente-sept ans, Eddie Howe est l'une des nouvelles attractions de la Premier League. Et pour cause, le jeune manager anglais a réussi la prouesse d'extirper Bournemouth des abîmes du football anglais pour les hisser jusque dans l'élite, en seulement sept ans. Encensé de toutes parts, le coach des Cherries n'entend pas s'arrêter là et compte bien continuer à faire des miracles.

Jamais, dans son histoire, Bournemouth n’avait connu un tel moment de félicité. En mai dernier, quand le club de cette station balnéaire du Sud de l’Angleterre a accédé pour la première fois de son histoire à la Premier League, ce sont plus de soixante mille personnes qui sont venues parader avec leur équipe chérie. Une effervescence, un engouement unique qui constitue presque une anomalie pour une formation qui, depuis sa fondation en 1899, a principalement évolué dans les bas-fonds du football britannique (League Two et League One notamment). Un succès aux contours miraculeux que les Cherries doivent au savoir-faire de leur manager Eddie Howe. Trente-sept ans au compteur, blondinet aux yeux bleus, physique de gendre idéal et l’ambition comme leitmotiv, l’entraîneur anglais est l’homme qui a réalisé l’impossible. « C’est un garçon du coin, mais aussi le messie du coin. » Jeff Mostyn, président de Bournemouth, n’avait pas manqué de chanter ses louanges au micro de la BBC il y a quelques mois. Retour sur une love story qui a tout d’un conte de fées.

Élu meilleur manager de la décennie par la Football League

Lorsqu’on demande à Eddie Howe de poser quelques mots sur cette romance où la réussite côtoie l’invraisemblable, celui-ci préfère parler d’un film qui n’aurait jamais pu voir le jour : « Je ne pense pas que vous pourriez écrire un tel scénario de film parce que les gens auraient dit : « Cela n’est vraiment pas crédible. » » Pour reprendre le fil de cette histoire, il faut remonter à 2004. À l’époque, Howe est un modeste défenseur qui appartient à Portsmouth, après un premier passage à Bournemouth (1994-2002), là où il a effectué ses débuts. Viscéralement attaché à son club formateur, il a pu compter sur le soutien des fans qui ont créé « Eddieshare » , un fonds commun pour lui permettre de revenir en raison de la situation financière délicate que connaissaient les Cherries. Grâce aux 21 000 livres récoltés, l’enfant d’Amersham a pu signer son comeback et, cela, malgré un physique cabossé par deux graves blessures au genou.

Éternellement reconnaissant, celui qui totalise un peu plus de 250 matchs pour Bournemouth n’a pas tardé à revenir après la retraite pour rendre ce qu’on lui a donné. En 2008, il est nommé manager général à la place de Jimmy Quinn. Mais le club vient d’être récemment placé sous administration judiciaire pour des dettes estimées à l’époque à quatre millions de livres. Sauvé in extremis, l’escouade du Sud du Royaume a débuté l’exercice 2008-2009 de League Two (quatrième division anglaise) avec une pénalité de dix-sept points. Pourtant exsangue et voué à un funeste destin, Bournemouth parvient miraculeusement à se maintenir au terme de la saison. Ce costume de sauveur messianique, Eddie Howe ne va, dès lors, plus s’en départir. En sept ans, il réussit la prouesse de mener avec des moyens limités son équipe de la League Two à la Premier League. Une performance sidérante, quasiment irréelle, qui a lui valu de recevoir le titre de manager de la décennie par la Football League (organisme englobant la Championship, la League One et la League Two).

« L’impression, dans son regard, qu’il est constamment en train de réfléchir »

Comment expliquer alors cette irrésistible ascension ? Pour ceux qui travaillent ou ont travaillé sous sa houlette, si le parcours d’Eddie Howe s’apparente à un best-seller, c’est avant tout grâce à son travail abattu. Son exigence, sa recherche immuable de l’excellence et sa méticulosité (la répartition de chaque session d’entraînement est prévue dans les moindres détails à l’avance, chronométrée à la seconde près et tout est noté dans un livre noir), aussi. « C’est quelqu’un de passionné. Il ne laisse aucun détail traîner et est attentif à tout ce que l’on fait à l’entraînement, révèle Yann Kermorgant, attaquant de Bournemouth depuis janvier 2014. Il est hyper pointilleux sur tout. Par exemple, on est filmé pendant les entraînements et il n’hésite pas à s’en servir pour nous montrer des phases de jeu et analyser une situation. Il peut notamment voir nos déplacements. Sur le plan tactique et football, c’est le meilleur manager que j’ai connu. » Le défenseur Mathieu Baudry, actuellement à Leyton Orient et qui l’a connu quelques mois à Bournemouth, a également été marqué par la singularité du coach britannique. « Je l’ai connu en League One, mais tout ce qu’il faisait était déjà professionnel. Tout avait un but précis, souffle-t-il. Quand tu le vois, tu as l’impression dans son regard qu’il pense toujours. On a cette sensation qu’il est constamment en train de réfléchir. Rien n’est laissé au hasard avec lui. Tout est fait avec réflexion. »

Au sein d’un club familial où le président est capable de prendre un tambour pour aller encourager ses joueurs en tribunes, le jeune manager a toute latitude pour diriger et façonner son équipe. Une confiance aveugle qui découle de ses résultats, évidemment, mais également de son aura naturelle. « C’est quelqu’un de très calme, il a l’air presque introverti. Mais il a une sorte de charisme naturel. Je ne comprenais pas très bien l’anglais et, pourtant, à chaque fois qu’il entrait dans une pièce, ça se sentait. Il n’avait pas besoin de crier, il parlait doucement. Il a quelque chose de différent » , détaille Baudry. Avant de mettre en lumière une autre facette de la personnalité de Howe qui, hormis Bournemouth, n’a vécu qu’une parenthèse à Burnley (2011-2012) : « C’est un entraîneur gentil, mais quand tu ne suis pas ce qu’il fait, il n’a en revanche pas de remords. Même s’il est jeune, il est capable de prendre des décisions draconiennes. Si un joueur a un gros salaire, il n’hésitera pas à le mettre sur le banc. Pour le premier match de championnat, il a d’ailleurs aligné une seule recrue, préférant reconduire l’équipe qui a été promue en Premier League. »

Le nouveau Special One, vraiment ?

Fidèle à sa ligne conduite et ses principes, le boss de l’AFCB n’entend pas renier sa philosophie, elle qui est basée sur la volonté de proposer un style de jeu attrayant, malgré l’accession dans l’élite. « Je ne dis pas que nous allons marquer 98 buts. Mais nous n’allons certainement pas dévier de notre ligne de conduite, en ce qui concerne la façon dont nous aborderons les matchs, martelait-il, début août, avant l’ouverture du championnat. Au regard des nombreux succès que nous avons obtenus, je pense qu’il serait stupide d’emprunter un autre chemin que celui que nous avons emprunté jusqu’ici. Nous savons que ça va être difficile, nous savons qu’il y aura des obstacles sur notre route, mais je pense que nous sommes prêts pour cela. » Pour ce qu’il a accompli jusqu’à présent, Eddie Howe s’est vu, en avril dernier, personnellement comparé sur Twitter à un certain José Mourinho par l’ex-international anglais Gary Lineker : « Vu ce qu’il a réussi à Bournemouth, je me demande s’il ne s’agit pas du Special One anglais. » Seul l’avenir dira si l’Anglais, plus humble et moins adepte des sorties tapageuses que son homologue portugais, épousera une trajectoire aussi faste. Même s’il suscite un enthousiasme légitime outre-Manche, il n’en demeure pas moins un homme attaché aux plaisirs simples. Comme celui de promener son chien, loin du tumulte médiatique : « C’est l’une des choses qui me détend entre les entraînements et les matchs. J’ai pour habitude d’aller sur la plage tard dans la nuit. Je mets un chapeau, cours ou marche en fonction de comment je me sens physiquement, et c’est l’une des rares fois où je ne suis pas dérangé et peux vraiment couper avec le reste. » Sans doute le seul moment de quiétude accordé au héros.

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Par Romain Duchâteau

Propos de Yann Kermorgant et Mathieu Baudry recueillis par RD, ceux de Eddie Howe extraits du Guardian et de conférences de presse

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