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De l’Athletic et du Barça sous Franco…
Athletic comme Barça sont des clubs ô combien chargés d'histoire. Fiefs d'une certaine idée du Pays basque et de la Catalogne, ils ont tous deux connu de nombreuses péripéties durant le règne de Franco. Retour en anecdotes sur cette période noire de l'Espagne.
Quand l’Athletic devient l’Atlético
« C’est une grande semaine pour l’Atlético de Bilbao ? » , « Pour l’Athletic de Bilbao ! » Cet échange entre Aritz Aduriz et une journaliste espagnole révèle, plus qu’une erreur d’appellation, une certaine ambiguïté concernant le nom des Leones. Baptisé Athletic en raison de ses origines britanniques, le fanion de Bilbao s’est pourtant bien nommé Atlético. Un changement qui remonte à 1941, lorsque Franco, via un décret, ordonne à toutes les entités, sportives ou non, de porter des noms à consonance castillane. De fait, jusqu’à la mort dudit Caudillo, l’Atlético de Bilbao remplaçait l’Athletic, sauf dans les cœurs et dans les têtes basques.
« Le scandale de Chamartin » , ou la pire débacle blaugrana
En 1943, l’antagonisme entre Merengues et Culés n’est pas encore à son paroxysme. Pour les demi-finales de la Copa del Generalisimo, les Barcelonais reçoivent lors de l’aller et l’emportent sans contestation 3-0. Le retour, lui, est d’une tout autre saveur. Il se raconte que lors de l’avant-match, arbitre et police prennent possession du vestiaire blaugrana et leur préconisent de lever le pied, sous peine d’un terrible retour du bâton de la part du pouvoir franquiste. Plus que cette déculottée 11-1, les Catalans, sur le pré et dans les gradins, sont houspillés, voire frappés, comme jamais. La rivalité du Clásico prend racine.
Josep Sunyol, le président blaugrana fusillé
Avant de devenir président du FCB, Josep Sunyol faisait partie de la gauche républicaine catalane. Député à trois reprises, il crée l’hebdomadaire La Rambla et s’investit dans la vie citoyenne pour faire face à la dictature de Primo de Rivera. En parallèle, ce socio blaugrana prend les commandes d’un club en péril économique en 1935. Un an plus tard, lorsque la Guerre civile éclate, il se range sous le drapeau de la République. Lors d’un trajet vers Madrid pour y transmettre des messages au gouvernement légitime, il est arrêté sur le front de la Sierra de Guadarrama, puis fusillé le 6 août. Mes que un président.
Athletic – San Lorenzo, un match qui n’aurait pas dû avoir lieu
Entre la fin de l’année 1946 et le début 1947, San Lorenzo de Almagro, champion d’Argentine en titre, se rend en Espagne pour y affronter les gros de Liga, une certaine façon pour les dictateurs Franco et Peron de nouer des liens. Après avoir rencontré Real, Barça et Atlético, il se rend le 5 janvier à San Mamés. Un match qui n’aurait pas dû se jouer. En effet, certains membres de la résistance basque s’était mis en tête de dynamiter deux jours plus tôt la pelouse de la Cathédrale. « Lorsque nous avons vu que c’était impossible, nous avons essayé de prendre des pics et des pioches pour la rendre impraticable » , se rappelle Ramon de Galarza, résistant présent. La mission ratée, le match se déroulera bien et se finira sur un 3-3.
Quand le Caudillo sauve le Barça de la banqueroute
Sitôt au pouvoir, le dictateur espagnol décide de tuer dans l’œuf toute contestation régionaliste. De fait, il place à la tête de toutes les mairies des proches de son pouvoir. À Barcelone, José María Porcioles prend les commandes de la ville. Dans les années 50, il permet même au FCB de ne pas faire banqueroute – la faute au budget monstre pour la construction du Camp Nou – en lui octroyant une faveur : rendre les terrains des Corts, l’ancienne enceinte blaugrana, constructible. De même, en 1965, le dictateur en personne signe un décret pour que d’autres terrains annexes aux Corts, toujours propriété culée, soient classés en tant que terrain constructible. Des aides qui ont permis au Barça de ne pas disparaître.
Quand l’Athletic fait la nique à Franco et au Real
En 1958, le Real Madrid est à son apogée. Toujours seul vainqueur de la Coupe d’Europe, il s’apprête à défier l’Athletic de Bilbao en finale de la Copa del Generalisimo. Un dernier match de la saison que le dictateur ne voulait voir qu’au Santiago Bernabéu, ce malgré les contestations de la direction basque. Un certain favoritisme dont Piru Gainza, éminente pointe des Leones, prend le contre-pied : « Jouer au Bernabéu nous donnera une force morale qui peut faire pencher la balance en notre faveur. Quoi de mieux que de gagner à Madrid face à ceux qui ne veulent pas sortir de Madrid ? » Pas grand-chose, surtout après une victoire 2-0 sous les yeux du Caudillo.
Avant et après Franco, des exécutions au drapeau basque
Pour Franco, la vie humaine n’avait pas grand intérêt. Ainsi, deux mois avant sa mort, il presse la justice d’exécuter cinq etarras. L’indignation nationale et internationale ne suffit pas, puisque le 27 septembre 1975, ils sont tous tués. Quelques jours plus tard, lors du derby basque, Leones et Txuri-Urdin portent en leur honneur des brassards noirs et provoquent la furie du dictateur. Un dictateur qui meurt en novembre et qui ne peut assister, en décembre 1976, à la rencontre entre Real et Athletic. Une rencontre qui, dans son préambule, voit les capitaines José Angel Iribar et Inaxio Kortabarria arriver sur le pré avec le drapeau ikurriña en main, le seul drapeau alors interdit dans une Espagne en route vers la démocratie.
Par Robin Delorme, à Madrid