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De l’art de partir en fin de contrat

Par Nicolas Jucha
De l’art de partir en fin de contrat

N'importe quel employé lambda tend à s'inquiéter quand son CDD arrive à terme. Pour les footballeurs, la donne est un peu différente : certains agents parlent d'opportunité quand la situation est bien gérée. Et quand le joueur en question est sollicité...

« Pour moi, c’est en général une opportunité d’arriver en fin de contrat. Si le joueur est performant et régulier, pour négocier avec son club ou un futur club, il est en position de force » , estime l’agent Warsame Egal. Son point de vue, la plupart de ses confrères le partagent, même si certains tendent à tempérer : « Tout dépend du joueur. Pour un joueur de qualité, c’est une opportunité. Pour un joueur dans une situation délicate, c’est une difficulté supplémentaire » , estime Christophe Mongaï. « Cela se prépare 18 mois à l’avance, il faut clairement demander au joueur ses attentes. Car la tendance large, c’est qu’une fin de contrat reste une situation délicate pour beaucoup de joueurs, sauf pour ceux qui sont prêts à s’exiler dans un pays exotique, où l’on cherche des joueurs libres. Si le joueur a un niveau correct et accepte de partir, il va faire un bon deal financier » , analyse pour sa part Laurent Gutsmuth. Ce dernier connaît la question : il a négocié pour Bacary Sagna cet été. Pour lui, le latéral français était dans une situation idéale du fait de son niveau, ce qui lui a permis d’obtenir un très gros contrat à Manchester City.

Des exceptions qui confirment la règle

Jennifer Mendelewitsch, l’une des rares femmes agents, estime que les footballeurs cherchent de plus en plus souvent à aller au bout des contrats : « Il y a une vague de joueurs qui a compris que cela n’était pas plus mal d’attendre la fin de son contrat, de repousser les propositions de son club afin de se retrouver libre avec toutes les cartes en main à la fin de la saison. L’indemnité que le club qui recrute n’a pas à payer, elle se transforme en partie en salaires et dans une prime à la signature plus importante, surtout quand il s’agit d’un joueur très sollicité. » Pour elle, même un joueur en difficulté sportive peut tirer avantage de la situation : « Le fait d’être en fin de contrat, le joueur a l’avantage de ne rien coûter en indemnité de transfert, donc cela élargit les propositions. Si c’est un joueur en difficulté dans son club, autant qu’il soit en fin de contrat. »

Pour Christophe Mongaï, une chose est certaine, la liberté contractuelle facilite les négociations, à condition de rester réaliste : « Lorsqu’il n’y a pas d’indemnité de transfert entre deux clubs, c’est toujours plus simple pour le joueur et la négociation s’en trouve plus aisée. Mais si un seul club souhaite le joueur, il convient d’être extrêmement prudent afin de ne pas louper l’opportunité. » Pour Warsame Egal, mandaté sur le transfert de Nampalys Mendy à Nice en 2013, « être en fin de contrat et au top de sa forme en même temps, c’est comme gagner au loto… Mais cela reste rare car si le joueur est bon, le club fait en sorte de le prolonger avant. » Des exceptions confirment la règle.

Gomis, Ménez and Cie

Dans certains cas, des joueurs cotés ne sont pas prolongés faute de volonté commune ou d’accord dans la négociation, comme à Lyon pour Jimmy Briand et Bafé Gomis, respectivement partis à Hanovre et Swansea. « Pour Gomis, c’est une erreur de Lyon. Ils voulaient le transférer, ils l’ont mal géré. Lui ne voulait pas aller n’importe où, il a de la bouteille, il a fait le travail en CFA avant de retrouver le groupe pro. Il s’est retrouvé en position idéale, ce qui est important vu son âge pour signer son avant-dernier contrat » , selon Warsame Egal, pour qui le départ avorté de l’international à l’été 2013 a obligé Lyon à se séparer de l’espoir Anthony Martial, vendu 5 millions d’euros à Monaco.

Le cas Gomis symbolise les joueurs de qualité ne souhaitant pas prolonger pour vendre leur talent au plus offrant. Mais d’autres joueurs vont au bout de leur contrat faute de mieux. « Cela se passe mal au PSG, Jérémy Ménez dit :« Je veux partir. » Puis il se rend compte qu’il n’a pas d’offre, et donc il dit :« Je veux gagner ma place. »Quand on n’a pas d’offres, c’est ce que l’on dit. Il est resté toute la saison, mais ne s’est pas imposé, donc sa problématique a ensuite été de trouver un club qui, malgré son manque d’investissement et ses problèmes de discipline, lui ferait confiance et lui offrirait des conditions financières au niveau de ce qu’il exige » , analyse Jennifer Mendelewitsch. L’international a trouvé chaussure à son pied au Milan AC, club en quête de rebond, tout comme le joueur. Le cas Ménez est caractéristique des joueurs mis de côté, selon Warsame Egal : « Pour Ménez, clairement, le PSG l’a laissé partir. Ils n’avaient pas besoin de lui ni de l’argent de sa vente. Le fait qu’il n’ait signé que pour trois saisons, cela montrait déjà qu’ils n’étaient pas à 100% sûrs. Gareth Bale au Real Madrid, c’est six ans. » .

L’art du timing pour se faire la malle

En fin de contrat, cela veut dire ne pas avoir de visibilité sur le long terme. Une situation qui peut être compliquée à gérer, et selon Christophe Mongaï, il n’y a pas d’attitude type chez les footeux en préavis : « Il y a ceux qui le vivent très bien, qui voient cela comme une chance et ceux qui au contraire le vivent plutôt mal, ont peur de se retrouver sans club à la fin de la saison ou de se blesser. » Jennifer Mendelewitsch estime quant à elle que l’état d’esprit du joueur dépend avant tout de sa situation sportive : « S’il est en fin de contrat de son fait, le joueur n’a aucune raison de souffrir, en revanche, si c’est une situation subie, c’est plus angoissant. Surtout pour un joueur qui n’a pas beaucoup joué et qui est âgé. » De son côté, Laurent Gutsmuth estime que c’est, en général, « la famille du joueur qui a une appréhension plus que le joueur lui-même, mais si on ne fait pas attention, cette appréhension gagne le joueur. »

Qu’il soit serein ou angoissé, le joueur doit néanmoins garder en tête un facteur essentiel dans la gestion de sa fin de contrat : l’art du timing. « Bacary Sagna ne pouvait annoncer sa signature à City trop tôt sous risque de plomber la fin de saison d’Arsenal » , précise Gutsmuth, qui a une vision très collective. Pour Jennifer Mendelewitsch, c’est surtout le temps de jeu du footballeur qui est menacé car « en général, un club auquel on dit non pour la prolongation, le seul moyen de pression c’est d’envoyer le joueur en CFA, sauf s’il est indispensable. Écarter le joueur, c’est l’argument massue. L’annonce d’un départ, on essaie de le faire le plus tard possible même si le joueur, dès lors qu’il sait qu’il va partir, ne souffrira pas trop de la mise à l’écart. »

Sens du timing

Des joueurs indispensables ? Gomis à Lyon, Costil à Rennes, ou encore Mendy à Monaco il y a deux saisons. « Dans le cas de Nampalys Mendy, Monaco lui avait fait signer un premier contrat pro assez faible et avait tardé pour proposer une prolongation. Dans le même temps, Nice le voulait depuis longtemps et lui assurait du temps de jeu. En plus, Claude Puel l’appréciait aussi depuis un certain temps. Monaco savait qu’il ne prolongerait pas, mais ils avaient besoin de lui pour monter en Ligue 1 » , raconte Warsame Egal. Pour lui, l’ASM n’a pas écarté le joueur pour des besoins sportifs, mais aussi parce que le club avait les moyens de le remplacer : « Un club riche le prendra moins mal qu’un club ayant besoin de vendre, comme Rennes avec Moussa Sow. Lui, quand il a signé à Lille, il a terminé son contrat sur le banc de touche. » Pour l’agent qui s’occupe également de Seko Fofana (Manchester City), l’idéal est de trouver une solution qui arrange le joueur et son club : « Un deal comme celui de Jimmy Briand à Rennes était une superbe solution, en bonne intelligence. Le joueur est un peu moins avantagé pour négocier avec le futur club, mais au moins il montre sa reconnaissance pour le club qui lui a permis d’être où il est. »

Malgré un sens du timing qui permet d’éviter une mise à l’écart, la situation est lisible selon Jennifer Mendelewitsch : « Si un joueur traîne à prolonger, c’est clair qu’il souhaite partir. S’il n’y a pas de prolongation avant le 1er janvier, en général cela signifie qu’il n’y a pas de volonté de rester. » Pour les fins de contrat subies, la lisibilité est encore plus grande selon Christophe Mongaï : « Lorsque le joueur se retrouve à 12 mois de la fin de son contrat et qu’il n’a toujours pas de signe du club où il est salarié, cela n’est jamais bon signe. En général, les clubs anticipent la prolongation des joueurs sur lesquels ils comptent au moins 18 mois avant le terme du contrat, voire plus pour certains. » Comme quoi Leonardo s’était bien foutu de la gueule de Nené, désormais au Qatar après avoir été laissé libre par le PSG.

Valdès, le scénario noir

« Arriver en fin de contrat, c’est avoir le droit de distribuer les cartes, mais cela nécessite aussi pour le joueur de savoir gérer un certain stress » rappelle Laurent Gutsmuth. Ce stress est avant tout lié au risque de blessure, illustré par le Barcelonais Victor Valdès, titulaire au Barça hier, snobé par l’AS Monaco cet été : « C’est comme une action en bourse qui s’effondre. L’intérêt d’arriver en fin de contrat, c’est d’avoir le choix et d’être attrayant. En clair, c’est d’avoir la main. Se blesser, c’est perdre l’initiative et une partie de sa valeur. Pour Valdès, vu qu’il n’avait pas déjà signé ailleurs, il s’est retrouvé bloqué, et à Barcelone, son éventuelle prolongation se serait faite à des conditions moindres, car c’est le Barça qui avait la main. » Pour Jennifer Mendelewitsch, l’agent d’un joueur blessé n’a pas 50 solutions : « L’agent prépare le terrain pour après, il n’y a que ça à faire, avec un accompagnement psychologique pendant le temps de la blessure. Il y a des joueurs qui paniquent beaucoup dans ce cas. »

Victor Valdès a un atout que beaucoup d’autres joueurs en fin de contrat et blessés n’ont pas, son pedigree. « Un cas comme Valdès, c’est un gros coup dur, mais c’est Valdès, il a un bon CV, donc ce n’est pas non plus la catastrophe. Pour un joueur moins coté, un mec pas titulaire à 100% dans son club – surtout si ce n’est pas un gros club – là c’est un très gros problème. Il n’est plus du tout en position de force pour négocier, voire tout simplement hors jeu. Le pire, c’est pour les gardiens, un poste particulier : un club ne va pas le recruter s’il est indisponible les trois premiers mois de la saison, ou alors s’il le fait quand même, le remplaçant peut tout casser et lui bouffer la place d’entrée » , estime Warsame Egal.

Fins de contrat, une denrée prisée

Blessés, il faut regarder vers le futur pour se consoler. Car à en croire les agents, être en fin de contrat voire déjà libre, c’est un argument de poids sur le marché des transferts. « Les clubs regardent clairement le marché des fins de contrat pour limiter les dépenses en indemnités de transfert, certains clubs le font même juste pour réaliser des reventes. C’est comme ça au niveau européen, les fins de contrat et les prêts, c’est la tendance » , juge Warsame Egal. Pour Laurent Gutsmuth, la tendance n’est que la résultante de l’évolution du football : « L’arrivée du fair-play financier renforce l’intérêt pour ces joueurs en fin de contrat, c’est intéressant aussi pour les clubs propriétaires du contrat, car ils peuvent réguler leur masse salariale. » Ce positionnement, Jennifer Mendelewitsch le trouve parfaitement cohérent au vu de la situation économique : « Les clubs ont tout intérêt à tabler sur le marché des joueurs en fin de contrat vu leurs difficultés économiques. Si le joueur est performant, ils font une super affaire, si le joueur ne l’est pas, ils n’ont pas payé une indemnité démentielle à perte. Ils ont intérêt à le faire et les joueurs l’ont compris : se retrouver en fin de contrat, ce n’est pas une situation de lose, c’est une situation avec de nombreuses portes ouvertes. » Dernier exemple en date, Florent Malouda a profité de la rupture de son contrat à Trabzonspor pour revenir humer l’odeur des pelouses de Ligue 1 à Metz.

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