Tu es originaire de Wissembourg, ville frontalière avec l’Allemagne. À la base, c’est quoi ton rapport avec ce pays?
À vrai dire, je n’en avais pas vraiment. Des fois, avec les copains, on allait à la piscine là-bas par exemple. J’ai beau avoir un nom allemand, je n’ai pas de famille en Allemagne. Du moins, pas que je sache. Comme je viens d’Alsace, j’ai appris l’allemand à l’école, ce qui n’était pas très difficile, vu que je parlais déjà alsacien. Et avant d’aller à Siegen, en 2006, je n’aurais jamais pensé aller jouer au football là-bas un jour. Déjà, avec mes potes, je traînais plutôt à Strasbourg ou à Hagenau que de l’autre côté de la frontière.
Pendant cinq ans (de 2000 à 2005), tu joues en équipe réserve du Racing Club de Strasbourg…
En fait, je suis arrivé au Racing en U15 2e année. J’ai fait deux ans en U17, puis j’ai surtout joué avec la réserve. Je me suis déjà entraîné avec les pros, j’avais disputé un ou deux matchs amicaux, mais je n’ai jamais joué en match officiel avec l’équipe fanion. J’étais un espoir, mais il y a eu des complications. Avant, je n’avais pas d’agent. Mon père a voulu jouer ce rôle, et ça ne s’est pas très bien passé. Pourtant, Marc Keller, qui était manager à l’époque, m’aimait bien. Mais il y a eu des négociations difficiles, et peut-être que je n’étais pas assez mûr, assez fort pour supporter toute cette histoire. J’étais considéré comme le talent alsacien de ma génération, j’étais persuadé que j’allais réussir… Après, je ne veux pas entrer dans les détails, mais en gros, les relations se sont un peu dégradées, c’était devenu difficile pour moi de m’imposer. Aujourd’hui, avec l’âge, le recul, je saurais comment réagir dans ce genre de situation. À l’époque, on me mettait une grosse pression. C’est du passé ; j’ai beaucoup appris à travers ça. C’est ce qui a fait que je suis allé ensuite en Allemagne. Je voulais réussir au Racing Club de Strasbourg, mais bon, ça ne s’est pas fait.
Mais avant l’Allemagne, tu te retrouves à Mulhouse.
Oui, et à peine arrivé, je me fais les ligaments croisés. C’était dur, j’ai failli tout laisser tomber, mais heureusement, il y avait ma femme, mon beau-frère et ma belle-mère qui me soutenaient. Ils ont cru en moi, ça m’a reboosté. Et à ce moment-là, grâce à un agent, je me suis retrouvé en Allemagne.
Quand on te propose le Sportsfreunde Siegen, c’est donc ta seule option ?
Ouais, c’était un club de Regionalliga Süd (la 3e division à l’époque, avant la réforme des divisions inférieures en Allemagne, ndlr). À Mulhouse, j’étais en 4e division, et Siegen, c’était une occasion pour moi de monter dans le milieu pro. Mulhouse, c’était le milieu amateur. Même s’ils ont déjà fait de la Ligue 2 et qu’ils jouaient la montée, il n’y avait pas tout le temps cette mentalité de gagneur. Perso, j’ai un esprit de compétition. Dans le monde amateur, tu sens parfois que ça reste du loisir. Normal, les gars bossent toute la semaine, ils jouent au foot pour le plaisir. Moi aussi, je joue pour le plaisir, mais comme beaucoup de pros, j’avais envie d’aller beaucoup plus haut, et quand tu penses comme ça, ça peut t’aider pour réussir.
Du coup, une ville qui s’appelle « Siegen » (qui signifie « gagner, vaincre » en allemand, ndlr), c’était parfait pour toi.
Plutôt, oui ! (
rires) J’avais fait une super préparation d’ailleurs, ce qui avait étonné tout le monde, étant donné que je venais d’une division inférieure et que je m’étais fait les croisés. J’ai joué mon premier match cinq mois après mon opération au genou. On m’avait dit de faire attention, que je pouvais rechuter. Je le sentais bien, donc pas de problème, mais un jour, après l’entraînement, je décide de rester pour faire quelques frappes, et je me claque aux adducteurs. Le plus embêtant, c’est que le staff médical n’était pas au top, les médecins n’arrivaient pas à me soigner correctement, du coup, je rechutais à chaque fois que je revenais. Ça m’a coûté pas mal de temps. Les footings, ça allait, mais dès que je voulais frapper ou passer la balle un peu plus fort, ça me tirait de nouveau au niveau des adducteurs. À force de reprendre et stopper à chaque fois, j’ai fini par être écarté, et j’ai fini dans l’équipe 2. C’était un peu galère, surtout qu’à Siegen, il ne faisait que pleuvoir.
David, écoute, j’ai fait un rêve, je te vois sur un terrain…
Malgré tout, dans mon malheur, j’ai eu un coup de chance : avec Siegen, on avait disputé un match amical en début de saison contre le FSV Francfort. Youssef Sofiane, un Français avec qui je jouais à Siegen, avait été contacté par le coach de Francfort, Tomas Oral (futur adjoint de Felix Magath à Fulham, ndlr). À l’époque, le FSV Francfort jouait la montée en deuxième division. Youssef n’était pas intéressé, mais il a filé mon numéro, parce qu’Oral me voulait aussi. Comme j’étais grillé après mon histoire d’adducteurs, je voulais partir. J’ai appelé le coach de Francfort, qui m’a dit de venir faire un essai, si j’étais en forme. J’allais pas super bien, jusqu’au jour où on m’a présenté un ostéopathe de Strasbourg qui m’a ventousé l’endroit où j’avais mal. Après ça, je n’avais plus de douleurs, j’ai donc appelé Tomas Oral, et j’ai fait un essai là-bas. Pendant une semaine, ma femme me conduisait tous les jours jusqu’à Francfort, pour que je reste en forme. L’essai s’est super bien passé. À la fin de la semaine, j’ai parlé avec mon agent. Il m’a dit que l’entraîneur du FSV Francfort me voulait, mais que son manager n’était pas chaud, parce qu’ils avaient trop de joueurs. Néanmoins, le coach m’a dit qu’on restait en contact. Par la suite, mon agent a essayé de les joindre : pas de réponse. J’ai essayé aussi : rien non plus.
C’est une galère ton histoire…
C’était en novembre 2007. Je suis donc retourné en équipe 2 aux Sportsfreunde Siegen. Il y avait un autre club qui me voulait, mais ça ne me disait rien. Et un jour, ma femme vient me voir et me dit : « David, j’ai fait un rêve, je te vois sur un terrain, moi qui te regarde, plein de gens autour de nous… Écoute, rappelle l’entraîneur de Francfort, essaye de l’avoir au téléphone, demande-lui ses raisons, comme ça tu seras fixé » . Je ne voulais pas lui courir après, je me disais que s’il n’avait pas les couilles de me le dire en face, ce n’était pas la peine. Sur les conseils de ma femme, j’ai fini par rappeler. L’entraîneur me dit qu’il avait un problème sur son portable, qu’il discute avec le manager de son équipe, qu’il me rappelle. Dix minutes plus tard, c’est le manager qui me rappelle et qui me demande si je peux revenir pour un match amical le lendemain. J’accepte. Je joue, je marque un but. On me demande de revenir encore le lendemain. Siegen-Francfort, c’est 120 kilomètres, hein. J’avais déjà fait ça pendant une semaine, et là, on ne nous propose même pas un hôtel, ou quoi. Bref, le lendemain, j’y retourne, entraînement à quatre contre quatre, je marque plein de buts. On me demande de revenir le surlendemain. J’en parle avec mon agent, qui me dit que là, ça suffit, qu’il arrive sur Francfort pour régler cette histoire. On me fait une offre, une espèce de SMIC, à prendre ou à laisser. Dans le même temps, on me demande de négocier une sortie à l’amiable avec mon club de Siegen, avec lequel il me restait deux ans. Je retourne sur Siegen, je négocie ma sortie, et avant de signer, je m’assure que tout va bien se passer avec Francfort…
Et là, de nouveau une histoire ?
Bah là, on me dit qu’il y a un attaquant que le coach veut, mais il me veut moi aussi, et le manager ne peut en signer qu’un. On me demande une fois de plus de m’entraîner, et ensuite on verra. Au final, j’attends, j’attends, et finalement, je décide d’envoyer un fax pour casser mon contrat avec Siegen. J’en informe le manager de Francfort, qui me dit que je peux signer, mais qu’après, ce n’est pas lui qui décidera si je jouerai ou non. Devant, à l’époque, il y avait un attaquant qui s’appelait Matias Cenci (un Argentin passé par la réserve de l’Atlético Madrid et le FC Sankt-Pauli, ndlr), c’était le buteur maison, et deux ou trois autres gars. J’ai signé en janvier 2008, j’ai fait la préparation durant la trêve hivernale, et l’entraîneur m’a dit qu’il était content de moi et qu’il me ferait jouer. Au total, j’ai disputé quinze matchs, marqué cinq buts et à la fin de la saison, on est monté en 2. Bundesliga. C’était une belle récompense, surtout après tout ce que j’avais vécu.
Par la suite, tu es allé aux Kickers Offenbach, à Sandhausen, avant d’atterrir à Bielefeld. Tu as fait pas mal de 2. Bundesliga et de 3. Liga, au final. Qu’est-ce qui t’a particulièrement plu dans ces championnats ?
À l’époque, en France, quand tu arrives à l’âge de 21 ans et que tu n’as pas fait tes preuves en Ligue 1, voire en Ligue 2 (du moins à l’époque, ça a pas mal changé depuis je crois), c’était foutu pour toi. En Allemagne, c’est différent. J’ai fait six bons mois en 3.Liga avec le FSV, et directement, t’es sur les feux de la rampe. Tous les championnats sont retransmis ici, de la première à la quatrième division. Ils sont très foot ici, beaucoup de monde au stade. Même en 3e division ; t’as beaucoup plus l’impression d’être pro qu’en Ligue 2 ou en National. Là-bas, les stades sont vides. Je passe peu en France, mais j’ai l’impression que c’est toujours le cas. Un exemple qui m’avait choqué, c’était l’an dernier, quand le Paris Saint-Germain était allé jouer à Brest en Coupe de France. Le stade n’était même pas plein. Si t’as des joueurs comme Thiago Silva, Motta ou encore Zlatan qui viennent et que ton stade n’est pas plein, c’est qu’il y a un problème! Si en Allemagne, le Bayern vient dans un petit patelin, le stade sera rempli ! Il n’y a pas ça en France, et c’est dommage. Un autre truc ici, ce sont les infrastructures : elles sont bien mieux. Si tu montes en 2. Bundesliga et que tu te maintiens, t’as des pelouses chauffées par exemple. T’as ça qu’en Angleterre. Et encore, les stades sont remplis là-bas, mais t’as pas de super vestiaires… Pour moi, l’Allemagne, c’est le top quand tu es footballeur, et je n’ai aucune envie de retourner en France.
Ma femme a tout quitté pour moi, elle m’a suivi en Allemagne alors qu’elle n’avait que son bac en poche…
Et la vie ?
Bah écoute, je trouve que le climat est meilleur, c’est moins tendu qu’en France. Regarde comment Franck Ribéry est traité ici… Moi, je dis que si tu joues en Ligue 1, Ligue 2 ou National et que tu as l’occasion de venir jouer en Allemagne, il faut foncer. Sinon, concernant la vie, quand je vais à Strasbourg par exemple, je sens qu’il y a un peu cette tension, cette insécurité. Ici, à Francfort, ville d’un million d’habitants, tu ne sens pas ça. Je te donne un exemple : un jour, je vais manger en ville avec un coéquipier du FSV Francfort. Je sors de sa bagnole, je remarque qu’il oublie son portefeuille et son portable sur le tableau de bord. Je lui dis, et là il me répond : « Oh, t’inquiète, ça craint rien » . Quand j’étais au Racing, j’avais un appartement et une voiture, que je garais dans un parking souterrain. J’ai oublié une fois de retirer mon autoradio. Le lendemain, ma vitre était défoncée et l’autoradio arraché. Bref, ici, ça me convient.
Et trier les déchets, traverser quand le bonhomme est vert sous peine de prendre une amende, ça te soûle pas ?
(rires) Tu t’y habitues vite. Les Allemands sont hyper disciplinés, et si tu ne te tiens pas à ces règles, on te regarde ou on te parle mal. En France, sur ce genre de détails, c’est plus cool quand même.
À Sandhausen, tu jouais avec Régis Dorn (ex-Strasbourg et Fribourg, ndlr). Tu es en contact avec d’autres joueurs français en Allemagne?
Ouais, avec Gaëtan Krebs, qui est à Karlsruhe, ou encore Jean-François Kornetzky, qui joue à Erfurt, en 3. Liga. Romain Brégerie (Darmstadt), on ne se connaît pas très bien, mais on s’est échangé nos numéros, on se félicite de temps à autre. Sinon, il y a Karim Matmour de Kaiserlautern, avec qui j’étais au Racing. Mais quand tu joues et que tu sais qu’il y a un Français en face, tu vas lui parler. Il y a aussi Ibrahima Traoré (Borussia Mönchenglabdach), on avait discuté, il est super. De temps en temps, on s’écrit avec les joueurs, on s’appelle. Mais on n’a pas le temps de se voir. À part Kornetzky, qui est du Luxembourg et que je vois parfois, mais sinon, pas vraiment le temps.
Tu fais quoi de ton temps libre ?
Je me consacre à ma femme et mes deux enfants. Mon fils est très foot, donc je joue avec lui, je vais le voir s’entraîner… Ma femme, elle, est à la maison. Jusque-là, elle s’est occupée des enfants. Elle a tout quitté pour moi, elle m’a suivi en Allemagne alors qu’elle n’avait que son bac en poche. Et franchement, je ne la remercierai jamais assez pour ce sacrifice. Elle a toujours été là pour moi.
Et puis si tu n’étais pas avec elle, elle n’aurait jamais fait ce fameux rêve…
Honnêtement, si elle n’avait pas fait ce rêve, je n’aurais jamais rappelé le coach du FSV Francfort. J’avais lâché l’affaire, mais elle m’a motivé…
Parle-nous un peu de ton club actuel, l’Arminia Bielefeld…
Quand j’ai quitté Sandhausen et que j’ai rejoint Bielefeld, c’était le jour et la nuit. L’Arminia, c’est un « Traditionsverein » (club de tradition), on a plus de 13 000 spectateurs de moyenne en 3e division, c’est fou ! On a un stade de 1. Bundesliga, aussi… Bon, le club est endetté, à cause de la construction du stade je crois. Ici, les gens viennent nous voir dans la rue, demandent des photos, des autographes. C’est le meilleur club que j’ai fait, avec Offenbach. Norbert Meier est un bon entraîneur, qui a de l’expérience. On a une bonne équipe, meilleure que l’an dernier. On a un bon équilibre entre les jeunes et des gars plus expérimentés.
Tout est possible, faut pas se priver de rêver !
Il y a quand même quelques points négatifs, non ?
On tombe parfois dans la suffisance. Par exemple, on n’a jamais réussi à enchaîner après une victoire en Coupe d’Allemagne. On a toujours perdu, même, contre des équipes un peu moins bonnes que nous. À la trêve, on était premiers, mais tu sentais en préparation que ça se relâchait un peu. On oubliait d’aller jusqu’au bout de nos limites. La preuve, on a perdu direct le premier match de la phase retour, 3-0 contre le Fortuna Cologne. Ça nous a remobilisés. C’était une bonne claque. Après, y a la fatigue, on a eu des « semaines anglaises » , avec des matchs tous les trois jours. Mais on a du caractère, on l’a montré lors du derby contre Preußen Münster, où on réussit à retourner la situation alors qu’on n’est pas franchement bons.
Cette saison, en DFB-Pokal, vous avez sorti successivement Sandhausen, puis le Hertha Berlin, le Werder Brême, et le Borussia Mönchengladbach. C’est quoi ton match préféré ?
Contre le Hertha, c’était magnifique. C’était la première fois que je jouais un match qui se finissait aux tirs au but. C’était comme à la Coupe du monde, après le dernier tir, tout le monde qui se saute dessus. Contre le Werder, c’était impressionnant, avec les fans, c’était hyper bruyant. J’avais la chair de poule en m’échauffant avant d’entrer.
Contre Gladbach aussi, ça devait être la folie…
… surtout qu’ils ratent leur tir au but en premier, on rate derrière, il y a eu du suspense jusqu’au bout. Gladbach, c’est costaud aussi, c’était encore plus gros que le Hertha et le Werder. Au final, chaque tour était particulier. C’était un peu comme une montée, mais sur un match seulement.
Bon, et maintenant, contre Wolfsburg, tu le sens comment ?
Tout est possible, faut pas se priver de rêver ! (rires) C’est clair, ils sont deuxièmes, ils ont un super banc. Mais avec les fans derrière nous, on peut le faire. On va bien s’organiser défensivement. Ils vont faire le jeu, à nous de ne pas prendre de but et de saisir notre chance.
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