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Coucou le Stade briochin ! Ça fait plaisir de te revoir !

Par Régis Delanoë
8 minutes
Coucou le Stade briochin ! Ça fait plaisir de te revoir !

Parmi les affiches à suivre du 8e tour de Coupe de France, il y a ce derby breton entre le Stade briochin et le Stade brestois, deux clubs à l’histoire perturbée par des tracas financiers. La formation de Saint-Brieuc a bien failli disparaître après la mise en liquidation brutale et la fin de son aventure pro en cours de saison de D2 96/97. Les joueurs de l’époque se souviennent de la fin d’une belle aventure humaine, d’un gros sentiment de gâchis et d’un soupçon de rancœur…

Ce n’est pas que Pierre-Yves David s’en vante, mais il le reconnaît sans même qu’on le lui demande : « Ce match entre Saint-Brieuc et Brest est particulier pour moi, car j’ai vécu la chute des deux clubs comme joueur. » C’était en 1992 dans le Finistère et cinq ans plus tard dans la préfecture des Côtes-d’Armor. « Le premier dépôt de bilan m’a moins marqué, car j’étais jeune et il y avait là-bas quelque chose d’inéluctable… Mais à Saint-Brieuc, je m’en souviens très bien, car ça a été très brutal et parce que j’avais été élu représentant des salariés. Je le dis très clairement : je n’ai toujours pas digéré ce qui s’est passé. » Ce qui s’est passé, c’est un cataclysme qui a balayé un club professionnel en l’espace de quelques semaines au cœur de l’hiver 1997. Sans que ça n’émeuve plus que ça les collectivités et le tissu économique locaux, pas plus que les instances du football national. Ce statut pro du Stade briochin avait été acquis en 1993, à l’issue d’une montée historique des gars du 22 en deuxième division, une première pour une institution du football breton née en 1904. Sous l’impulsion de l’entraîneur Denis Goavec, l’équipe effectue promotion sur promotion à partir de la fin des années 80 pour se hisser jusqu’en D2 et apparaître enfin sur la carte du football hexagonal et dans les albums Panini. Saint-Brieuc impose son joli maillot jaune vif à liseré bleu, avec le sponsor Néolait qui va bien, un poil d’exotisme en la personne de l’Américain Dario Brose et quelques figures du ballon rond local, dont Jean-Michel Eouzan, Luis Satorra ou l’attaquant Yannick Le Saux, qui termine meilleur buteur du championnat lors de cette première très réussie saison 93/94 de D2, achevée à la 6e place. « C’était un super groupe, mes meilleurs souvenirs de carrière » , se rappelle ce dernier.

Lutte d’influence perdue face au Épinal de Philippe Séguin…

La saison suivante 94/95 est sportivement bien plus difficile que la première. Pour la seule fois dans l’histoire, le département des Côtes d’Armor dispose de deux clubs à ce niveau. Pendant que le promu guingampais, euphorique, s’offre une deuxième montée pour débouler en D1 en débutant son aventure d’atypique du football français qu’il reste encore aujourd’hui, le grand voisin briochin tire la langue et achève sa saison à la 19e place, la première synonyme de rétrogradation en National 1, la D3 de l’époque. Néanmoins, la direction ne s’inquiète pas plus que ça de l’avenir du club durant l’été 1995. Et pour cause : l’un des promus qui a gagné sportivement sa place en D2, Épinal, se voit refuser l’accès par la DNCG. C’est là que le Stade briochin peut se sentir floué une première fois, car le SA Épinal finit quand même par obtenir gain de cause grâce au soutien du maire de la ville, le très influent Philippe Séguin… « On pensait vraiment être repêché et voilà qu’on est finalement rétrogradés. On avait fait un recrutement de D2 et on se retrouve en National, sans les droits TV, mais avec les frais de déplacement et les salaires à payer. C’est là que le trou financier a commencé à se creuser » , situe Yannick Le Saux. Des pointures de l’époque comme Didier Monczuk, José Bray ou Hervé Rollain débarquent, ce qui a comme conséquence positive de faire remonter immédiatement le club en D2, mais également de plonger son bilan comptable dans le négatif… Sans qu’ils le sachent, les joueurs briochins, encore renforcés de quelques éléments à l’intersaison, démarrent donc l’exercice 96/97 sur un navire déjà à la dérive et devenu incontrôlable financièrement.

Le sort du club statué par un proche de Le Graët…

« La première fois qu’on apprend qu’il y avait un problème de cet ordre, je me souviens qu’on jouait un match au Red Star, en décembre ou janvier » , rembobine Yannick Le Saux. Son coéquipier de l’époque Pierre-Yves David, revenu dans sa ville de naissance l’été précédent, se montre plus précis : « On avait été convoqué par le président Serge Rouxel qui nous avait proposé une réduction de 10% de nos salaires à cause de soucis financiers. Après, c’est allé très vite… » Serge Rouxel démissionne en février (N.B. : l’homme refera parler de lui en 2008, condamné à 3 ans d’emprisonnement, dont 30 mois avec sursis pour abus de confiance et détournement d’argent dans le cadre de son activité professionnelle d’agent d’assurances). Les difficultés du club alertent les collectivités locales – ville et département – qui subventionnent à hauteur de 3 millions de francs sur les 15 millions de budget. L’audit lancé alors estime à 7 millions de francs le déficit du club. Son statut professionnel est désormais entre les mains du tribunal de commerce de Saint-Brieuc présidé par Gérard Le Bourhis, ancien président du club dans les années 80 et un très proche de Noël Le Graët, l’incontournable homme fort de Guingamp et à l’époque président de la Ligue. Le Bourhis entrera d’ailleurs quelques années après dans le board du club voisin… Dès lors, l’impartialité du dossier est remise en cause dans les rangs briochins sur fond de « guerre de clochers » avec le voisin guingampais, comme le qualifie Yannick Le Saux. « La personne qui devait initialement statuer sur le sort du club auprès du tribunal de commerce a été retirée pour une filiation avec un kiné du club » , croit savoir Pierre-Yves David, qui a le sentiment qu’on s’est débarrassé du Stade briochin un peu vite : « La décision a été prise en 72h. Le mardi matin, on apprenait que les instances allaient statuer, le jeudi c’était fini. Quand une entreprise de 25 à 30 salariés est en difficulté, tu lui donnes généralement un peu plus de trois jours pour essayer de se refaire… »

Des joueurs qui font leurs maillots eux-mêmes

L’actuel entraîneur de Saint-Malo l’a d’autant plus mauvaise que joueurs et bénévoles de l’époque s’étaient démenés pour essayer de trouver assez de sous pour finir une saison qui, sportivement, se passait très bien avec un maintien tranquille en vue. « Il y a juste eu les deux ou trois derniers matchs où c’était vraiment difficile, car tout le monde quittait le navire, y compris le sponsor maillot. Je me souviens du dernier match (le 21 mars 1997 contre Louhans-Cuiseaux, ndlr), on a fait nos maillots nous-mêmes, les joueurs, en récupérant un vieux jeu de maillots vierges et en marquant « Saint-Brieuc j’y crois » à la place du sponsor. C’était fort… On s’est aussi servi de la caisse des joueurs pour payer nous-mêmes les salaires des joueurs qui avaient un contrat jeune et qui n’étaient pas pris en charge par le liquidateur judiciaire. » Parmi ces quelques jeunes qui ont bénéficié de la solidarité de leurs aînés de vestiaire, il y a Guillaume Allanou, l’actuel président du club, qui reconnaît que « peut-être est-ce à ce moment qu’est né le désir d’être dirigeant un jour » . Il l’a été dès 2009, jeune président trentenaire venu à la rescousse d’un club tombé très bas après cette perte brutale du statut pro en mars 1997, laissant les autres formations de D2 disputer les 11 journées restantes sans lui et obligeant les joueurs de l’effectif à trouver d’autres employeurs (le Red Star pour Le Saux, Cherbourg seulement à compter de la saison suivante pour David, tandis que certains n’ont plus jamais eu l’opportunité de signer un contrat pro, dont Allanou).

« On ne fera jamais de cadeau au Stade briochin »

Depuis 2011, sous l’impulsion de l’entraîneur Sylvain Didot (frère de), le Stade briochin a réamorcé sa marche en avant, depuis la DSE (7e division) jusqu’au CFA2, son niveau actuel. « On est sur une belle dynamique, il ne faut pas s’arrêter là, juge avec optimisme le président. On peut viser le CFA. Le National ça reste à voir, ce championnat est un mouroir pour beaucoup de clubs… Il ne vaut mieux pas s’y attarder. » Tourné vers l’avenir, il ne se dit « nullement nostalgique » , même s’il reconnaît que le passé lui évoque « un énorme sentiment de gâchis » . Des rancœurs aussi ? « Non, désormais, c’est le passé. Guingamp est légitime à représenter le football costarmoricain et le restera. Ce que fait ce club est vraiment top, mais on peut coexister, comme Vannes l’a fait à une époque avec Lorient dans le Morbihan. » Il n’y a « aucune animosité » non plus de la part de Yannick Le Saux : « La suite de l’histoire a donné raison à Guingamp, qui s’est donné les moyens de réussir au plus haut niveau. Saint-Brieuc n’aurait jamais pu faire aussi bien. C’est un club associatif. » Un club qui a mal géré son passage dans le monde professionnel, le payant très cher. Et lorsqu’on évoque avec Pierre-Yves David la décision de la FFF les jours derniers de finalement annuler la diffusion télé prévue pour ce match de gala au stade Fred-Aubert à cause d’un terrain pas assez large d’un mètre pour les caméras, Pierre-Yves David sourit jaune (à liseré bleu) : « On ne fera jamais de cadeau au Stade briochin. »

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