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CAN : la fiche du Togo

Par Christophe Gleizes
6 minutes
CAN : la fiche du Togo

Très chanceux pendant les qualifications, le Togo n'a cependant pas été verni au tirage. Les hommes de Claude Leroy vont tenter de résister à trois anciens champions d'Afrique pour créer l'exploit.

La piste en terre battue

Pas gâté par le sort ces dernières années, le Togo est cette fois un véritable miraculé. Le 5 juin 2016, les Éperviers sont menés 2-0 par le Liberia à Monrovia. Virtuellement éliminés à l’heure de jeu, les hommes de Claude Leroy finissent par arracher un match nul salvateur grâce à deux réalisations tardives de Floyd Ayité et Kodjo Fo-Doh Laba. L’espoir renaît. Rien n’est fait cependant, et les Togolais doivent encore bénéficier d’un improbable concours de circonstances pour espérer voir Libreville. Lors de la dernière journée des éliminatoires, ils atomisent Djibouti 5-0, mais la Tunisie déroule 4-1 contre le Liberia, condamnant les Éperviers à la seconde place. Le miracle se produit néanmoins : deux unités derrière l’Ouganda, mais à égalité de points avec le Bénin et l’Éthiopie, les coéquipiers d’Adebayor se qualifient finalement en tant que « deuxièmes meilleurs deuxièmes » grâce à une meilleure différence de buts, profitant de la déroute surprise du Bénin au Mali (5-2). De quoi brûler un cierge dans la cathédrale du Sacré-Cœur de Lomé, justement touchée par un incendie il y a peu.


Le joueur qui va leur manquer : Jonathan Ayité

Jonathan Ayité et les Éperviers, c’est fini. En octobre dernier, l’attaquant d’Alanyaspor a décidé de mettre un terme à sa carrière internationale, à seulement trente et un ans. « Cette décision a été l’une des plus difficiles à prendre, car je suis viscéralement attaché au maillot des Éperviers » , a détaillé le joueur aux six buts en vingt-quatre sélections, dans un courrier adressé à sa Fédération. « Cette décision résulte d’une réflexion personnelle due à plusieurs facteurs, car je pense qu’aujourd’hui je ne suis plus en mesure de m’investir pleinement pour la sélection. Étant donné le peu d’attention qu’on me porte aujourd’hui et vu les nouveaux projets dont je ne fais plus partie, cela me renforce dans l’idée de me consacrer à d’autres aspirations et d’autres orientations dans ma vie professionnelle et ma vie d’homme tout simplement. » Convoqué à une seule reprise depuis la prise de fonctions de Claude Leroy, l’ancien goleador de Nîmes et de Brest n’a pas voulu jouer aux blasés : « J’ai eu à vivre des moments exceptionnels avec la sélection. Mes coéquipiers et mon frère Floyd continueront je pense à porter haut le flambeau de l’équipe nationale du Togo. » Haut comment ?


Onze types

Kossi Agassa (sans club) – Djene Dakonam (Saint-Trond), Bossou (Young Africans), Gafar Mamah (Dacia Chişinău), Maklibe Kouloun (Dynamic Togolais) – Alaixys Romao (Olympiakos), Ihlas Bebou (Fortuna Düsseldorf), Matthieu Dossevi (Standard Liège), Floyd Ayité (Fulham) – Razak Boukari (Châteauroux), Emmanuel Adebayor (sans club)


L’inexpertise d’Antoine Cubaixo, ornithologue au parc animalier de Giffaumont-Champaubert

« L’épervier est un redoutable prédateur. Rapide, malin, futé… Ils attaquent par surprise, car ils savent se camoufler et attendre le bon moment pour frapper. Ils ont le regard perçant, ce qui est pratique pour trouver les failles dans les défenses. Ils ont aussi des griffes qui leur permettent de saisir leurs proies fermement, et de ne plus les lâcher. Un bec acéré, aussi. Après, dans ce groupe, il y a quand même de gros prédateurs, alors que d’habitude, ils se nourrissent surtout d’oiseaux plus petits. J’ai peur qu’ils n’y parviennent pas face aux Léopards ou aux Éléphants. Dans l’idéal, s’il se qualifient, il faudrait veiller à ne pas rencontrer le Mali. L’aigle, ça reste plus fort que l’épervier. C’est son prédateur naturel. »


Pourquoi ils vont inverser la courbe du chômage

Le Togo a la particularité de s’avancer dans cette compétition avec deux joueurs sans club, triste symptôme d’un pays en difficulté, où le taux d’inactivité des jeunes avoisinait les 29% en 2011. Heureusement, Adebayor va se rappeler au bon souvenir des clubs européens et prouver qu’à seulement trente-deux ans, il n’est pas encore cramé. En ce qui concerne Kossi Agassa, récemment remercié de Reims, on peut espérer que son naufrage retransmis en direct à la télé entraînera une vague de solidarité internationale, et qu’un généreux recruteur lui offrira un poste d’intérimaire en Suisse, au Japon ou en Norvège. En voilà deux de moins.


Le bestiaire

Pourquoi les Togolais ont-ils choisi l’épervier pour emblème ? Nul ne le sait vraiment. Du moins pas internet. Dans la mythologie égyptienne, il symbolisait l’envolée vers les hauteurs et représentait la course du soleil dans le ciel. Il serait donc un symbole ascensionnel fédérateur, adopté à l’indépendance du pays en 1960. L’économiste et ancien ministre togolais Kako Nubukpo confirme : « L’épervier, c’est l’idée du décollage et l’illustration d’un pays qui veut semer les ambitions légitimes qu’il porte. » Dans la tradition héraldique européenne, l’oiseau est en outre plébiscité – notamment par l’armée de l’air française dès 1922 –, car il induit une idée de domination et de chasse. En l’affichant sur un blason, les nobles renvoyaient l’image d’une cruauté impitoyable, propre aux rapaces. « Certaines légendes bretonnes établissent un dualisme dans la création en distinguant l’œuvre de Dieu de celle du diable, complète Audrey Harter, qui tient un site de référence sur la mythologie celtique. L’aigle, ainsi que le merle, l’hirondelle, l’alouette auraient été créées par Dieu, alors que l’épervier, comme le chat-huant, la grive ou la chauve-souris ne seraient que des contrefaçons des premiers, imaginés par le diable. » Bigre. « On prétend toujours en Bretagne que l’épervier bat des ailes pour endormir ses proies, et qu’il leur dit : « Sauvez-vous où vous voudrez / Plus je serai haut, mieux je vous verrai… » »


La célébration qu’ils vont inventer

Maroc, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire : le parcours de la CAN s’annonce d’ores et déjà accidenté. « On est la seule équipe qui aura à rencontrer trois anciens champions d’Afrique. Et bien évidemment, ça va être compliqué, a récemment expliqué Claude Leroy à RFI, un peu dépité. Vous imaginez le nombre de Tourmalet qu’il va falloir qu’on franchisse pour essayer d’arriver dans la plaine des quarts de finale. » Du coup, il est prévu que les Togolais se mettent carpette dès le début de la compétition pour conserver leur fabuleux maillot jaune le plus longtemps possible, quitte à mimer Thomas Voeckler, en pleine fringale à chaque but marqué. De quoi ringardiser pour de bon ces sympathiques Islandais.


Le Bongoefficient

« Faure Gnassingbé, dictateur ! » En septembre dernier, la communauté togolaise des États-Unis a manifesté devant le siège de l’ONU pour dénoncer la gouvernance du président Faure Gnassingbé, accusé de prendre exemple sur son père, Eyadéma Gnassingbé, au pouvoir pendant plus de trente-sept ans. À la mort de ce dernier, en 2005, Faure organise des élections et est élu avec 60,6% des voix. Le scrutin est néanmoins marqué par l’irruption de militaires dans les bureaux de vote et le vol de plusieurs urnes. À l’appel des autres partis, des affrontements éclatent dans les grandes villes du pays. Ils sont réprimés dans le sang et auraient entraîné la mort de plus de 790 opposants selon la ligue togolaise des droits de l’homme. Depuis, forcément, la popularité du fils à papa a un peu baissé, ce qui ne l’a pas empêché de briguer un troisième mandat en 2015, remporté avec 58,7% des voix. Si l’on retient dans le calcul les fraudes massives traditionnelles et la très faible participation, on peut se rapprocher d’un coefficient de soutien à la dictature de l’ordre de 35%.


L’hymne du tournoi

D’un côté, Emmanuel Adebayor, star mondiale passée par Monaco, Arsenal, le Real Madrid et Tottenham. De l’autre, Baba Tchagouni, gardien du FC Marmande 47, en CFA2. Deux étrangers, au bout du monde, si différents… bientôt pulvérisés sur l’autel de la CAN éternelle.

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Par Christophe Gleizes

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