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Boccara : « Le PSG n’est plus dans l’optique de lancer des jeunes »

Propos recueillis par Arnaud Di Stasio
10 minutes
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Cet été, quelques jours après l'arrivée d'Ibra et Verratti au PSG, le jeune espoir parisien Ilan Boccara signait son premier contrat pro à l'Ajax. Un choix pas si surprenant quand on sait qu'il possède la double nationalité franco-hollandaise. Désormais international espoir avec les Pays-Bas, ce milieu défensif de 19 ans a déjà effectué ses débuts en Eredivisie. Il nous parle de son départ du PSG, de son adaptation à Amsterdam, mais aussi d'Adrien Rabiot avant Ajax-Manchester City, ce soir.

Peux-tu nous expliquer comment un petit Parisien comme toi peut atterrir à l’Ajax ?Tout a commencé l’année dernière avec le reportage d’une journaliste hollandaise. Alors que j’effectuais ma première saison avec la CFA du PSG, cette journaliste avait entendu parler de moi, et grâce à son article, les Néerlandais ont pu me découvrir. À la suite de ça, des recruteurs d’un peu partout en Hollande supervisaient mes performances et j’ai fini par être convoqué en février dernier pour un match amical avec la sélection hollandaise U19. Les scouts de l’Ajax sont alors venus me voir jouer une dizaine de fois avant de me proposer un contrat professionnel. Je n’ai pas hésité longtemps. L’Ajax, c’est vraiment le top pour les jeunes, et on m’a tout de suite dit que si j’étais bon, j’aurais ma chance. Au PSG, la situation était différente, c’est bien plus compliqué de percer. Je n’avais pas peur de la concurrence, mais leur projet ne me correspondait pas, j’ai donc décidé de partir à l’Ajax.

Quel a été le discours de l’Ajax pour te convaincre et celui du PSG pour te retenir ?On sait que l’Ajax fait confiance aux jeunes, on connaît leur politique, ce ne sont pas des paroles en l’air. Chaque année, des joueurs sortent du centre de formation. Et même quand ils ont gagné la Ligue des champions, c’était avec des jeunes du centre de formation. J’avais vraiment envie de signer là-bas. On m’a clairement fait comprendre que j’allais avoir ma chance. Maintenant, c’est à moi de travailler. Pour ce qui est du PSG, les négociations ont quelque peu traîné, mais les dirigeants parisiens ne se sont pas opposés à mon départ. Je leur ai clairement dit que j’avais envie de partir et ils ont respecté ma décision.

« De Boer veut que je devienne un grand joueur »

As-tu eu l’occasion de discuter avec des gloires de l’Ajax pour faire ton choix ?Avant de signer, je n’avais parlé à pratiquement personne. Je ne m’étais même pas renseigné auprès de Maxwell (Ndlr, l’arrière gauche parisien a évolué 4 saisons à l’Ajax). Comme je ne m’entraînais que rarement avec les professionnels, je n’avais pas tellement pu faire sa connaissance. Mais je n’ai eu que de bons échos sur l’Ajax. Tous ceux qui y sont passés ont adoré le club et parlent de famille. Même Ibrahimović n’y a que des bons souvenirs. Et depuis mon arrivée, j’ai évidemment parlé avec Frank de Boer qui est l’entraîneur de l’équipe première. On s’était déjà entretenu pendant les négociations. Il m’avait alors dit qu’il m’avait déjà vu jouer et qu’il n’avait entendu que de bonnes choses sur moi. Mais aussi qu’il voulait me faire devenir un grand joueur et qu’il me ferait confiance si j’étais bon. Il y a aussi Overmars qui s’occupe de la cellule de recrutement. Et puis Bergkamp. C’est lui qui m’a remis mon maillot le jour de ma signature. Ils me donnent tous des conseils. Et quand ce sont de tels noms qui te parlent, tu es très attentif ! Mais même si ce sont des légendes, ils restent des êtres humains.

Raconte-nous tes débuts en Eredivisie.Je ne pensais pas que j’allais débuter en première si vite, parce que je me suis fait opérer de l’appendicite pendant les vacances. Du coup, j’avais un mois de retard sur les autres au niveau de la préparation. Mais j’ai bien travaillé pour revenir, l’entraîneur spécifique m’a pris sous son aile et, au bout de deux mois et demi, j’ai pu faire mon premier match avec les pros. Il faut avouer que ça a été une petite surprise, je m’attendais à faire mes grands débuts à la mi-saison. Je suis entré à un quart d’heure de la fin du match contre Heerenveen (Ndlr, 2-2 le 2 septembre dernier, lors de la 4e journée d’Eredivisie). Comme on était à 10 et que l’équipe avait besoin d’un peu de jus, le coach m’a demandé d’apporter mon agressivité à la récupération. Ça ne s’est pas trop mal passé puisqu’on a réussi à garder le résultat. J’ai de nouveau été retenu pour le match suivant, mais je ne suis pas entré. Et depuis, je joue avec la réserve, mais je m’entraîne presque tout le temps avec les professionnels.

« À l’Ajax, on recherche la perfection »

En termes de jeu, quelles sont les différences que tu as ressenties entre l’Ajax et le PSG ?À l’Ajax, l’accent est mis sur la recherche de la perfection. On peut refaire 10 fois le même exercice jusqu’à ce qu’il soit parfait. Et il y a plein d’entraînements individualisés, on peut se retrouver à avoir un coach pour trois joueurs, ce qui est top. Par exemple, je travaille mon jeu long avec Wim Jonk (Ndlr, ancien joueur de l’Ajax et international néerlandais). À effectif restreint, on peut vraiment progresser plus vite. Sinon, en France, c’est davantage axé sur le physique, alors qu’aux Pays-Bas, on se focalise uniquement sur la technique. Et quand on travaille physiquement, c’est toujours avec le ballon.

Peux-tu nous parler de ton adaptation aux Pays-Bas ?Ça fait maintenant trois mois que je suis arrivé et tout se déroule à merveille. Comme ma mère est hollandaise, j’ai de la famille sur place, ce qui facilite l’adaptation. Au début, je vivais chez mes grands-parents en banlieue d’Amsterdam, mais comme ils sont un peu vieux, j’ai décidé de les laisser tranquilles. Et depuis deux semaines, j’ai mon propre appartement. Je commence aussi à maîtriser la langue. J’ai encore des progrès à faire, mais j’arrive de mieux en mieux à communiquer avec mes coéquipiers. Pour l’instant, c’est surtout un mélange d’anglais et de hollandais, mais j’espère qu’avec les cours, je vais vite devenir bilingue. Pour le reste, ça a été un sacré changement de quitter ma ville, mes copains et mon club, le PSG. C’était un peu difficile au début, mais je reçois régulièrement de la visite et désormais je me sens très bien à Amsterdam. Je suis déjà copain avec tout le monde. Et à l’Ajax, ils m’ont super bien intégré, ils sont tous très gentils avec moi, ici. Par rapport à la France, c’est une toute autre mentalité. Ici, les gens sont beaucoup plus ouverts. Sans faire de stéréotypes, à Paris, dans le car, tout le monde était avec son téléphone et ses écouteurs. Ici, on discute tous, il y a beaucoup plus de dialogue et de communication.

Toi qui viens de Boulogne-Billancourt, t’es-tu déjà senti différent dans des effectifs où les codes de banlieue sont très présents? Je n’ai jamais ressenti ça. C’est sûr que dans le foot, il y a des gens qui viennent de milieux difficiles et que, moi, j’ai eu la chance de ne jamais connaître ça. Mais après, sur le terrain, il n’y a plus de différences.

Comment se fait-il que tu comptes des sélections avec les équipes de jeunes des Pays-Bas et non de la France ?Après l’article de la journaliste, le sélectionneur des U19 néerlandais m’a rendu visite plusieurs fois au Camp des Loges. Comme j’ai la double nationalité grâce à ma mère, j’ai pu jouer un premier match amical en Suisse. Avant d’être rappelé pour un tournoi qualificatif pour les championnats d’Europe U19. Et depuis le début de la saison, je suis avec les Espoirs où j’ai fêté mes deux premières capes. Ça n’a pas vraiment été une surprise d’être appelé en sélection hollandaise, puisque je savais qu’ils me suivaient de près et que j’ai toujours fait de bons matchs. Et puis la FFF ne m’a jamais contacté, ce qui a rendu le choix très simple.

« Bizarre d’entendre la Marseillaise sans pouvoir la chanter »

Tu as d’ailleurs joué contre l’équipe de France U19 en mai dernier. Peux-tu nous en dire plus sur cette expérience ?C’était évidemment un moment très particulier. En tant que franco-hollandais, ça a été très bizarre d’entendre la Marseillaise sans pouvoir la chanter. En plus, il y avait mes potes Jean-Christophe Bahebeck et Alphonse Aréola en face (Ndlr, ses anciens coéquipiers au PSG). Malheureusement, on s’est pris 6 à 0 et je me suis fait expulser au bout de 20 minutes. Le seul rouge de ma carrière ! Sur mon premier jaune, il n’y avait pas faute, je me demande toujours comment j’ai pu prendre un carton. Et ensuite, j’ai pris le second pour un geste d’énervement. J’étais super frustré et énervé contre l’arbitre. Et quand je suis rentré, Jean-Christophe et Alphonse m’ont un peu charrié sur le score, mais vu comme j’étais énervé, ils ont vite arrêté (rires).

Ces dernières saisons, le PSG a lancé pas mal de joueurs en L1. Les jeunes du centre de formation ressentent-ils que le discours a changé depuis l’arrivée de QSI ?C’est évident. Avec les Qataris, le PSG n’est plus dans l’optique de lancer des jeunes du centre de formation. Dans 4 ou 5 ans, ils essaieront sans doute de sortir des joueurs, mais pour l’instant, la priorité c’est de faire venir des grands noms pour que l’équipe remporte des titres. Quand ils seront champions régulièrement et qu’ils iront loin en Ligue des champions, je pense qu’ils voudront imiter le Barça en faisant jouer des jeunes de leur centre de formation. Mais pour le moment, ce sont les résultats immédiats qui priment et les jeunes ne se voient pas trop offrir leur chance.

Pourtant, Adrien Rabiot a eu du temps de jeu en ce début de saison, ça ne vous donne pas quelques regrets ?Pas du tout. Au PSG, on ne me faisait pas confiance, même si, je le répète, je n’avais pas peur de la concurrence. S’ils m’avaient lancé dans le bain et que j’avais été régulièrement dans le groupe professionnel, j’aurais pu faire mon trou. Je n’ai pas peur des grands noms, je n’ai peur de personne dans le foot. Après, je n’ai pas pu saisir ma chance puisqu’on ne me l’a pas donnée. J’ai donc choisi de partir, c’est aussi simple que ça. J’ai forcément été déçu que le PSG ne me fasse pas confiance, surtout que j’étais titulaire toute la saison en CFA. Mais je ne vais pas polémiquer. Adrien a eu sa chance et je suis très content pour lui. Il a un peu joué en début de saison, mais d’après ce que j’ai entendu, il ne fait plus trop partie du groupe. C’était peut-être une publicité pour montrer que le PSG faisait toujours confiance à son centre de formation, j’en sais rien. Mais j’espère que mon pote Adrien fera une belle carrière et qu’il restera longtemps à Paris.

Et tu as des nouvelles de Moussa Dembélé, parti du PSG pour Fulham l’été dernier ?Non, je ne le connaissais pas trop parce qu’on a trois ans d’écart. C’était sa première saison au centre de formation l’année dernière. Je sais que c’est un super attaquant qui met plein de buts chaque année. C’est dommage pour le PSG qu’il soit parti parce qu’il avait lui aussi un gros potentiel. Je lui souhaite de réussir en Angleterre.

« En France, soit je jouais au PSG, soit je partais »

C’était pas un peu risqué de partir du PSG pour un autre grand club plutôt que pour un petit club de L1 par exemple ?Je n’ai jamais envisagé une seule seconde de quitter le PSG pour un autre club de Ligue 1. En France, soit je jouais au PSG, soit je partais. Maintenant, à l’Ajax, ils sont très connus pour leur politique envers les jeunes. Et l’Ajax, c’est mon deuxième club de cœur avec le PSG. C’était pas évident de partir de Paris, je regrette de ne pas avoir pu jouer au Parc des Princes. Mais une carrière, c’est long, et j’espère que j’aurais la chance d’évoluer au Parc. Que ce soit contre le PSG ou avec eux. Peut-être que je reviendrai un jour, qui sait ?

Pour terminer, un petit mot sur cet Ajax-Manchester City de ce soir ?Je serai bien évidemment à l’ArenA, je ne peux pas manquer une affiche pareille. C’est un peu frustrant d’être dans les tribunes et de ne pas pouvoir aider l’équipe, mais je vais persévérer pour que De Boer fasse appel à moi. Comme il m’a inclus dans sa liste de 25 joueurs pour la Ligue des champions, ça peut aller très vite. Je vais faire le maximum pour que ça paie. Sinon ce soir, je vous conseille de surveiller le match de Christian Eriksen. Il y a beaucoup de joueurs à gros potentiel ici et c’est sans doute lui la prochaine pépite. Il n’a que 20 ans et pourrait se retrouver dans un gros club très prochainement. Sinon, il y a aussi Ryan Babel qui a fait son retour ici et que tout le monde connaît. Il est très humble et ne se la raconte pas du tout. Enfin, gardez un œil sur Kenneth Vermeer, notre gardien. Il a été appelé en sélection la semaine dernière et il avait été énorme contre le Real Madrid.

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Propos recueillis par Arnaud Di Stasio

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