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Aulas-Labrune, querelle d’ego ou communication en duo ?
Depuis plusieurs mois, Jean-Michel Aulas et Vincent Labrune se livrent à une bataille médiatique intense, avec le président lyonnais le plus souvent dans la posture de celui qui allume les incendies. Assiste-t-on à une vraie querelle ou à une mise en scène ?
« De mon temps, il n’y avait pas Twitter pour relayer, mais les guéguerres entre présidents, c’était un classique. » Alain Cayzac a été président du PSG de 2006 à 2008, voir Jean-Michel Aulas et Vincent Labrune se renvoyer la balle par voie de presse interposée ne l’émeut pas plus que cela, même si dans le cas des deux présidents olympiens, « c’est allé parfois un peu loin niveau vocabulaire » . Pour celui qui a passé plus de deux décennies au comité directeur parisien, l’affrontement médiatique entre Aulas et Labrune n’est rien de plus qu’une opération de communication, car « chaque président a un public, ses supporters, qui adorent quand leur président attaque celui d’un club rival » . Ancien président de Lille, Luc Dayan pousse la théorie plus loin : « Mon petit doigt me dit que cela pourrait être un scénario, un jeu sur lequel ils sont complices, un peu comme une mise en scène avant un match de boxe. »
Biceps, faux cul et affrontements organisés
Pour ce familier du football français – il a œuvré à Nantes, Strasbourg et Lens -, l’intérêt d’un « affrontement organisé » serait de faire parler des deux clubs. Ce que pense plus ou moins Alain Cayzac, sans forcément croire que les présidents de l’OL et l’OM se soient concertés : « Ces batailles, c’est plus de la communication, une manière de montrer ses biceps, de montrer qu’on défend son club et de lui apporter de la visibilité, car les médias aiment reprendre. » De standings comparables, rivaux pour une place en Ligue des champions, mais incapables de tenir la comparaison avec le PSG, les deux Olympiques gagnent ainsi en visibilité, « ce qui fait du bien aux deux clubs, mais aussi au championnat, car cela génère un intérêt, des papiers dans la presse, cela met du sel » analyse Dayan, pour qui cependant, « on ne peut pas forcément dire que cela soit bon pour l’image et les valeurs du sport » .
Alors qu’à première vue, le duel verbal entre Aulas – capable de qualifier Labrune de « faux cul » sur Twitter – et Labrune – qui s’est empressé de lancer une pique à son homologue après la signature de Rekik – ferait penser à un combat de coqs, à une affaire personnelle où l’émotion prend le dessus, Cayzac est persuadé qu’au final, « le business reprend ses droits au moment opportun » en raison des sommes d’argent en jeu. « Quand Aulas prend Morel, ce n’est pas pour emmerder Labrune, c’est parce qu’il considère que c’est un bon joueur pour son équipe, sinon il mettrait son club en danger. » Si l’affrontement n’est pas « organisé » , Dayan refuse lui aussi d’y voir une perte de contrôle des deux hommes, mais imagine que « quelque chose s’est passé en coulisses, par exemple Labrune a peut-être lâché une remarque contre Aulas en off à un agent et cela a circulé, car le foot est un petit monde » .
« Aulas est majoritaire et peut dire merde à qui il veut »
Quoi qu’il en soit, si les termes de Jean-Michel Aulas sur Twitter peuvent parfois laisser penser que sa communication n’est pas sous contrôle, Cayzac pense au contraire que le boss lyonnais gère tout de main de maître : « Je n’ai jamais aimé les présidents qui attaquaient leurs joueurs publiquement, mais ceux qui l’ont fait l’ont fait pour leurs supporters… Ce n’est pas noble, c’est un peu populiste, mais ça va dans le sens des intérêts du président, car devant les supporters, cela montre qu’il en a, qu’il sait être méchant et donc défendre son club. JMA est excellent dans ce type de communication. » Une communication qui peut avoir un but bien précis selon Dayan : provoquer des erreurs de gestion chez un concurrent direct. « Aulas sait que l’économie du foot français repose sur les trois places en Ligue des champions. En provoquant Labrune, il peut le déstabiliser et donc affaiblir l’OM sportivement, qui en termes de visibilité, de potentiel marketing et populaire n’a pas d’égal en France. Même avec des résultats moyens, l’OM continue d’alimenter l’actualité, c’est une vraie locomotive pour le foot français, et ça, Aulas le sait. » Mais face à Labrune, le boss lyonnais n’a pas forcément affaire à un bleu vulnérable, même si « Aulas est majoritaire et peut dire merde à qui il veut » selon Cayzac, quand Labrune a « un devoir de réserve, car ce n’est pas son pognon » . L’épisode de la conférence de presse de Marcelo Bielsa en septembre 2014 est un exemple des qualités de gestionnaire du président de l’OM : « Il n’a pas répondu à Bielsa en début de saison dernière, c’est fort aussi, car il met son entreprise avant son ego, quitte à passer pour un con. Et au final, cela a pas trop mal réussi à Marseille quand il a laissé Bielsa tranquille, alors que beaucoup disaient qu’il aurait dû le virer. Il a donc été très bon sur ce coup-là, et très maître de lui. » Peut-être qu’Aulas s’est fixé pour objectif de le faire sortir de ses gonds avant la fin de l’été ?
Par Nicolas Jucha