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Augusto César Lendoiro : « Jorge, éteins tes putains de téléphone, bordel ! »

Propos recueillis par Pablo Garcia-Fons
4 minutes
Augusto César Lendoiro : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Jorge, éteins tes putains de téléphone, bordel !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

La folle ascension de Jorge Mendes a débuté en 1996 à La Corogne. Avec pas mal de culot et d'insistance, le gérant de vidéoclub vendait son copain Nuno Espirito Santo au Depor. Son emblématique président revient sur les débuts de l'agent le plus puissant de la planète foot.

Comment avez-vous connu Jorge Mendes ?

À cette époque, Jorge faisait plusieurs fois par semaine, parfois presque tous les jours, 500 km aller-retour depuis le Portugal pour venir me parler et me proposer ses joueurs. Il débutait tout juste comme agent. Bien sûr, il ne me prévenait pas, sinon je lui aurais dit de ne pas venir. Il était envahissant, presque lourd dans sa façon d’insister sans cesse. Au tout début, je n’avais aucune idée de qui était ce type qui voulait absolument me voir. Il a patienté pendant des heures sans que je ne le reçoive. Et il est revenu le lendemain, et le surlendemain. À l’époque, il tenait un vidéoclub et une boîte de nuit près de la frontière espagnole. C’était une sorte de jeune self made man comme il y en a des tonnes.

Comment a-t-il fini par gagner votre confiance ?

Au bout de plusieurs jours, je me suis dit que je devais le recevoir. C’était devenu une question d’éducation. Si un homme cherche à ce point à vous rencontrer, vous ne pouvez pas éternellement le repousser. Et la première fois qu’on s’est finalement rencontrés, ça a été une sorte de coup de cœur. Je crois qu’on a fini par aller dîner ensemble. Quelques jours après, on concluait le transfert de Nuno.

La légende raconte qu’il avait dû le cacher plusieurs jours…

Le transfert a été un peu dantesque effectivement. Je me rappelle que le club (Vitória Guimarães) ne voulait pas le transférer. En secret, Jorge l’a fait sortir du Portugal et l’a caché dans un hôtel de la Corogne pendant quelques jours, le temps que moi, je trouve un accord avec son club. Finalement, ça s’est bien terminé, et ce transfert a un peu lancé sa carrière, et on est devenus ami. Il m’appelle encore « padrinho » . Au fil du temps, on a construit une relation très forte. Je me sentais un peu comme son protecteur.

Est-ce qu’il était déjà le redoutable négociateur qu’on connaît aujourd’hui ?

Beaucoup d’agents, la majorité, posent leurs conditions avant même le début des discussions. Ils disent « avant tout, sachez que je prends 10% du montant du transfert et du salaire » . Lui non, la question de sa rémunération vient en dernier. Il s’adapte parfaitement à chaque situation. Il voit les choses à long terme. S’il doit toucher dans l’instant moins, mais qu’il pense qu’il pourra toucher plus dans le futur, il n’hésite pas. Il rend facile les situations les plus compliquées ou embrouillées. C’est un artiste du transfert et de la négociation. Il avait déjà une relation très particulière au téléphone portable.

Cela pouvait poser problème ?

Je me souviens qu’il en avait au moins quatre, avec quatre numéros différents, et quand il avait terminé avec un, il y en avait un autre qui sonnait immédiatement. Pour moi qui suis un peu de la vieille école et qui ne savais même pas me servir d’un portable, je trouvais ça impoli. J’étais obligé de m’énerver à moitié et de lui dire : « Jorge, éteins tes putains de téléphone, bordel ! » et on pouvait enfin avoir une conversation normale. Maintenant, c’est encore pire.

Il paraît qu’il vous avait proposé Ronaldo ?

On a été sur le point de recruter Ronaldo quand il jouait au Sporting Portugal. Avec Jorge, on allait le voir très régulièrement quand il avait 16 ou 17 ans, on discutait avec lui, et le projet lui plaisait. Le problème, c’est que le Sporting demandait déjà 15 ou 20 millions. J’ai dit à Jorge que je ne pouvais pas me permettre de mettre autant d’argent pour un gamin même pas majeur.

Jacques Songo’o (ancien gardien de la Corogne) critiquait récemment l’influence de Mendes sur le club. Il lui reproche de recaser ses joueurs qui ont échoué ailleurs. Que pensez-vous de ces critiques ?

Mendes nous a ouvert la porte des clubs dans lesquels ils évoluaient (Atlético, Sporting Portugal, etc), il a réussi à les convaincre de nous céder des joueurs comme Bruno Gama, Nelson Oliveira ou Pizzi et n’a pas touché de commission sur les mouvements. Il a fait tout cela gracieusement, comme un geste d’amitié envers ma personne et envers le Depor. Des joueurs de grand talent, internationaux espoirs ou même sélectionnés avec les A du Portugal. Cela nous a permis d’avoir une équipe compétitive sans dépenser d’argent ou presque.

Mais quel était son intérêt ?

Jorge Mendes pouvait ainsi permettre à des jeunes joueurs qui étaient un peu bloqués dans leurs clubs d’avoir du temps de jeu et une belle exposition dans un club avec une histoire extraordinaire. Le Depor a un peu servi de vitrine pour les joueurs de Mendes pour qu’ils puissent être transférés dans d’autres clubs comme, par exemple, ça a été le cas avec Bruno Gama qui est parti vers un club russe ensuite (en vrai, en Ukraine). Par cet aspect, c’était un peu donnant-donnant.

Jorge Mendes, le big boss du football mondial, le dossier est à lire dans le numéro 122 de So Foot

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