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Anderlecht avoue sa faute
Accusé de fraude dans le dossier Junior Kabananga, Anderlecht a reconnu sa faute et plaidé la négligence quant au faux contrat glissé dans la correspondance de la FIFA. Pendant que les acteurs du transfert se rejettent les responsabilités, une question demeure : pourquoi les dirigeants belges, prévenus de l'erreur avant le dépôt de plainte à la FIFA, n'ont-ils pas réagi ?
Plus que jamais, Anderlecht fait le dos rond. Comme nous vous le révélions la semaine dernière, le club belge est accusé d’avoir falsifié un contrat de travail pour ne pas payer les indemnités de formation d’un de ses anciens joueurs, le dénommé Junior Kabananga, qui fait aujourd’hui les beaux jours du Cercle Bruges. Un usage de faux qui pourrait entraîner de lourdes sanctions, à en croire l’article 61 du code disciplinaire de la FIFA. Sous pression, David Steegen, le porte-parole du club, a, pour la première fois, accepté de répondre à nos questions. « Je ne vous cache pas que nous sommes très irrités. Paulo Teixeira essaie comme d’habitude de nuire à notre club » a-t-il expliqué d’une voix énergique, avant de préciser : « Anderlecht, jusqu’à preuve du contraire, a toujours payé son dû à tous les clubs du monde… Chez nous, on est hyper-corrects, c’est impossible de tricher. Nous sommes un club sérieux et voir ainsi déballées de telles insinuations pour un joueur qui a joué deux matchs (ndlr : sept matchs) chez nous, c’est un peu fort. Sans manquer de respect à Kabananga, on a autre chose à faire que de se mettre à la faute pour un joueur de ce calibre » .
Faux contrat
Il est vrai que l’international congolais, rapidement prêté, n’a pas marqué le club sportivement. Juridiquement, il s’apprête à peser sur l’image du club belge, qui se réclame d’ordinaire d’une éthique irréprochable. À l’origine de cet imbroglio, une plainte déposée en 2011 à la FIFA par le petit club kinois des Aigles Verts, basé à Kinshasa. Convaincu de ses droits, le secrétaire sportif de l’équipe, Jean-Pierre Bongwalanga, réclame depuis quatre ans 100 000 euros d’indemnités de formation à Anderlecht, pour avoir entraîné Kabananga plusieurs saisons. Une demande légitime pourtant snobée par le RSCA, qui a usé de ses recours à la FIFA pour ne pas payer. Pierre angulaire de la défense des Mauves ? L’idée selon laquelle le joueur était déjà professionnel lorsqu’ils l’ont recruté au MK Étanchéité. D’où le faux contrat de travail, inclus dans la correspondance envoyée à la commission des litiges. « Un faux grossier, signé en 2008, mais déposé à la FECOFA en 2006, avec un salaire en dollars, quand la monnaie est le franc congolais » dénonce Paulo Teixeira, l’agent congolo-brésilien mandaté par les Aigles Verts pour les démarches juridiques.
Contacté, le club a reconnu ses torts. « Concernant le faux contrat, c’est possible qu’il y ait eu négligence de notre service juridique » a expliqué David Steegen, avant de préciser : « Mais si faute il y a eu, ce n’était pas intentionnel. En Afrique, il n’est pas toujours facile de savoir si les documents qui nous parviennent sont fiables ou non » . Reste maintenant à savoir qui est responsable de la falsification. Interviewé par Radio Okapi, le sulfureux président du MK Étanchéité, Max Mokey, fraîchement sorti de prison, a botté en touche : « Ce joueur a été transféré il y a plus ou moins cinq ans. Aujourd’hui, je ne vois pas en quoi je peux être impliqué là-dedans » . Du côté d’Anderlecht, on accuse Fabio Baglio, l’agent de liaison italien qui amène les joueurs de RDC dans la capitale bruxelloise. « C’est lui qui nous a fourni le contrat » a assuré sans trembler David Steegen, particulièrement remonté : « On travaille avec tout le monde, il nous propose parfois des joueurs comme tout manager du continent, mais nous sommes très clairs là-dessus, il n’y a aucun partenariat d’Anderlecht avec Fabio Baglio. » Sollicité à plusieurs reprises, ce dernier n’a pas souhaité s’exprimer, dans sa grande tradition du silence glacé.
Anciennes rancœurs
En attendant que les responsabilités s’éclaircissent, Anderlecht sort les violons. « Junior Kabananga, nous l’avons grandement aidé dans sa carrière, le club a été une étape décisive pour sa progression » reprend David Steegen : « Quand il s’est cassé la jambe, on aurait pu le chasser. Au contraire, on a continué à le payer. Nous sommes irréprochables. Ces accusations ne sont pas méritées » . Selon lui, derrière tout ceci se cache la main de Paulo Teixeira, qui a déjà eu maille à partir avec les Mauves par le passé. En 2012, l’agent avait été suspendu deux mois par la FIFA pour des « propos injurieux et calomnieux » postés sur sa page Facebook. Il avait notamment dressé « une liste des escrocs » sur laquelle figuraient l’AC Milan et Anderlecht, accusés de ne pas régler les indemnités de formation à des clubs plus modestes. Teixeira appuyait ses propos sur les aveux que lui aurait fait en privé José María del Nido, l’ancien dirigeant du FC Séville et de l’Association européenne des clubs (ECA) : « C’est une question de culture. Nous, clubs européens, sommes prêts à payer des millions d’indemnités de transfert, mais quand il s’agit de régler des indemnités de formation à des clubs africains ou sud-américains, ça devient un problème. Les clubs savent qu’ils devront payer une fois que le cas arrivera devant la FIFA, mais en attendant, ils gagnent du temps » .
À voir ce qui se passe avec Kabananga, les accusations de calomnie ont aujourd’hui du plomb dans l’aile. Ce qui n’empêche pas Anderlecht de saper la crédibilité de l’agent CBF, qui s’exprime en tant que mandataire officiel du club à la FIFA. « Paulo Teixeira est un homme qui a soif de publicité et d’argent. Il avait déjà essayé de nous faire le même coup avec Chancel Mbemba. Il essaie de prendre des pourcentages là où il peut les prendre. » Des accusations personnelles qui ne touchent pas le principal intéressé, plus que jamais concentré sur les faits : « Je trouve vraiment étonnant que le RSCA martèle mon nom comme si j’étais le diable vivant et ne demande pas plutôt des comptes à son service juridique » s’amuse-t-il, avant de contre-attaquer : « Si, comme moi, ils travaillaient au pourcentage, ils auraient certainement été plus attentifs au moment d’envoyer leur correspondance à la FIFA » . Après avoir porté plainte devant la commission des litiges et devant la commission de discipline, ce dernier s’estime « très confiant » quant à la bataille juridique qui s’annonce.
Silence inexplicable
Dans les cordes, le club belge se dédouane pour l’instant en accusant le manager italien. Néanmoins, sa responsabilité dans l’affaire reste engagée. D’abord parce que ce n’est pas la première fois que les Mauves frayent avec Fabio Baglio, qui est à l’origine du transfert controversé de Chancel Mbemba en Belgique. À moins de faire une confiance aveugle à un agent de joueurs aux méthodes douteuses, ce qui relève au mieux d’un manque de savoir-faire, au pire d’une indifférence coupable, difficile d’expliquer une telle négligence. Ensuite, parce que le RSCA a sciemment ignoré le problème. Le 13 janvier 2015, un fax des Aigles Verts a prévenu Anderlecht, qui n’a pas répondu, comme souvent depuis le début de l’affaire. La plainte à la commission de discipline n’a ensuite été déposée que le 5 mars 2015. « Maintenant, ils sont coincés » explique Paulo Teixeira, entre surprise et affliction : « Ils ne pourront pas dire demain qu’il n’étaient pas au courant de la contrefaçon, parce qu’il y a eu une correspondance de club à club. Ils savaient pour le faux contrat et n’ont pas levé le petit doigt » .
Reste aussi à comprendre pourquoi le club n’a tout simplement pas demandé la vérité à Junior Kabananga ? Un simple échange aurait sans doute dispensé les Mauves d’une procédure juridique longue de quatre années. Était-il oui ou non professionnel au MK Étanchéité ? L’existence d’un faux semble indiquer la réponse. En attendant, la réputation des Mauves ne tient plus qu’à un fil, celui de la présomption d’innocence : « Anderlecht paie toujours ce qu’il doit payer et jusqu’à nouvel ordre, nous n’avons rien à payer ! » conclut David Steegen : « Nous réglerons les indemnités si nous y sommes amenés par la commission des litiges, mais dans toute notre histoire, je tiens à rappeler que nous n’avons jamais été condamnés » . De quoi irriter une dernière fois Paulo Teixeira, qui croit dur comme fer à la culpabilité du club : « Les dégâts d’image, qui paie le prix ? Les explications aux sponsors, qui les donne ? Dans n’importe quelle entreprise, des gens auraient été mis sur la touche après une telle faute. C’est tellement incroyable que je pense sérieusement à faire un e-book sur les gags du Sporting » . Cette fois, sans suspension à la clef ?
Par Christophe Gleizes