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Alors c’est fort ou pas Toivonen?
Le milieu offensif du PSV (et international suédois) vient de s'engager dans un Stade rennais qui galère devant. Bonne pioche ou pas glop ?
Les points forts
Ola Toivonen, c’est Jessy qui en parle le mieux : « Tout l’monde se lève pour la ola(Ola Ola)/ Tout l’monde se lève pour la ola(Ola Ola). » OK. Pas drôle. Après Källström, Isaksson et Edman, le Stade rennais est allé chercher un nouveau Suédois. Suédois, c’est vite dit. Son père est un Finlandais qui a émigré en Suède, d’où le patronyme qui sonne finnois. Ola Toivonen a 27 ans, il est blond, il mesure 1m89. Il a débuté dans deux clubs suédois aux noms imprononçables avant d’aller jouer à Malmö FF, au poste très remarqué de deuxième attaquant (2007-2009). Mais c’est en signant au PSV Eindhoven en janvier 2009 que sa carrière va décoller. Décoller, c’est vite dit. Au pays, il avait déjà joué dans toutes les sélections, des U17 en 2003 jusqu’aux A dès 2007 (35 sélections pour 6 pions). Ola était donc déjà Toivonen en arrivant aux Pays-Bas. C’est un joueur offensif, plus milieu qu’attaquant. Même s’il dépanne en 9 au PSV et qu’il a également joué avant-centre avec la Suède, avec Zlatan derrière, durant les éliminatoires de l’Euro 2012. Pour rappel, le déménageur Toivonen renvoyait bien l’image de cette Suède marteau-pilon qui avait écrabouillé la France à cet Euro (2-0). Car le joueur est physique, dans le plus pur style « PSV Golgoth » : très bon de la tête, à la finition ou en déviations, il est dur à prendre car très mobile dans les 16 mètres et très brave dans le combat. Mais réduire Toivonen à un Viking qui saute haut serait très réducteur. Car l’ADN du PSV recèle aussi finesse et technicité. Ce droitier à la frappe lourde, intéressant sur coups francs directs, possède une bonne technique dans ses passes, ses remises et ses dribbles. Ses dribbles, c’est vite dit. En fait, il sait mieux éliminer que dribbler, mais il le fait bien, en feintant une passe ou en faisant des appels futés dans le dos de son défenseur direct.
Ola Toivonen a une réelle intelligence de jeu. Il a toujours été titulaire quasi inamovible depuis son arrivée chez les Rood Witten, signe qu’il a compté parmi les meilleurs éléments. Avant cette saison, lors des deux derniers exercices en Eredivisie, il a évolué à la pointe du milieu à trois (un peu devant Wijnaldum et Strootman en 2011-12, puis devant Strootman et Van Bommel, la saison passée). Un poste pas facile puisqu’il devait faire le lien entre milieux et attaquants (vers l’avant-centre Matavž, entre autres). Une mission qu’il accomplit de la meilleure des façons puisqu’il joua à la fois meneur en 10, relayeur en 8 et en 10 et demi grâce à un sens du but indéniable (et pas que de la tête, sur coups de pied arrêtés où il excelle). Sa polyvalence au milieu le situe dans un rôle plutôt axial où ses relais face au jeu ou dos au but sont précieux. Il sait par exemple très bien lancer le jeu vers les couloirs de sa position centrale. Mais il sait aussi se décaler sur les côtés, là encore pour remiser ou faire des appels dans la profondeur de la surface. Ce n’est pas vraiment une flèche de couloir ultra rapide qui déborde et qui centre. Ceci dit, il possède encore une bonne petite pointe de vitesse sur contre. Ce grand baraqué marque souvent dans la boîte, en pur finisseur statique ou en jaillissements, notamment en surgissant comme l’éclair au deuxième poteau. Comme il part de loin, il peut surprendre grâce à son démarrage initial et à son coup de rein dévastateur (il déménage vraiment !). Enfin, il peut marquer aussi en frappant de loin et à l’occasion conclure du pied gauche, qu’il n’a pas mauvais.
Les points « faibles »
Ce portrait technico-tactique plutôt flatteur inciterait à penser que Rennes a fait le bon choix, comme l’a justifié Philippe Montanier. Faut voir… Le doute qui plane au-dessus du Suédois, c’est que sa destination première en quittant Eindhoven, c’était plutôt l’Angleterre. Une piste très chaude à Norwich cet été, puis des rumeurs assez sérieuses vers Newcastle et Fulham l’envoyaient a priori en Albion. Mais ce fut Rennes, France. Du coup, on peut s’interroger sur ses motivations réelles. Car Ola Tovoinen est un joueur « en cavale » , à la fois désireux personnellement de fuir le PSV et à la fois viré par le club ! L’origine de cette crise qui a brisé la lune de miel entre ce taulier, parfois capitaine et adoré du public (il a sa chanson, « Parapapapa Ola Toivonen ! » chantée par la Philips Army) tient au renouvellement non abouti d’un contrat qui s’achevait en juin 2014. Le PSV tenait à le prolonger, histoire qu’il ne parte pas libre et sans rapporter un rond… mais pas au tarif exigé par Ola et son agent ! Or, les finances très serrées du club qui a frôlé la banqueroute il y a quelques années ne pouvaient satisfaire les desiderata du joueur têtu. Le problème, c’est que cette situation pourrie a perduré de l’été 2013 (période où Ola était censé partir) jusqu’à aujourd’hui. Au point que le 8 décembre dernier, le coach Phillip Cocu, soutenu par ses dirigeants, a imposé un ultimatum au joueur, genre : « Ou bien tu resignes ce weekend, ou bien tu joueras avec la réserve et tu te barres à la trêve ! » C’est en gros ce qu’il s’est passé par la suite : Toivonen a été écarté lors du match de reprise à Amsterdam ce weekend (0-1), puis s’est engagé avec Rennes.
C’est donc un joueur « en crise » qui débarque en Bretagne. Ce qui ne prouve pas qu’il ne s’adaptera pas rapidement avec succès. Sauf que… Depuis la saison dernière et une grave blessure qui l’a écarté des terrains d’octobre 2012 à mars 2013, il a peu joué. Même si son retour au printemps dernier avait été remarquable, il a enquillé cette saison galère de 2013-14 sur le banc, l’esprit toujours fâché. Cocu a dû le rappeler en catastrophe quand ses rookies beaucoup trop verts ont coulé à pic après la victoire en trompe-l’œil face à l’Ajax (4-0). Il a fait illusion au début en s’impliquant en pointe haute, puis à droite du milieu. Puis l’évidence s’est faite jour : il s’est empâté, il ralentit le jeu, il a perdu de sa pointe de vitesse et de sa précision dans ses transmissions. Surtout, le bon joueur de pressing a laissé place à un grand dadais paumé au centre du terrain, les bras ballants. Il n’a pas été le taulier attendu, alors que le PSV allait à la dérive. Dimanche dernier, malgré la défaite à l’Arena face à l’Ajax, l’équipe jouait nettement mieux sans lui…
Plus assez concerné, Ola ? Peut-être, vu sa situation contractuelle problématique et conflictuelle avec Cocu. Mais le gars traverse peut-être aussi une vraie phase sportive noire qui peut s’apparenter à l’amorce d’un déclin footballistique prématuré. Le Stade rennais ferait alors une sale opération au vu du montant du transfert (on parle de 2,5 millions d’euros pour 3 ans et demi)… Pour l’instant, on pourrait plutôt penser que c’est un homme qui fait le deuil douloureux d’une belle aventure qui aura duré jusqu’à cinq saisons (janvier 2009-janvier 2014). On verra…
Où en est-il vraiment ?
Mais le reste du tableau n’inspire pas non plus l’optimisme. Car Toivonen s’exprime le mieux dans un collectif enthousiaste (Ola sait être exubérant), dans un collectif offensif, déjà bien en place et soudé. Or, il arrive à Rennes, un club plombé par l’inefficacité et par une identité de jeu nettement indéfinie… Un homme en crise dans un club en crise ? Il a quitté le PSV, largué en championnat et exclu très tôt de Coupe des Pays-Bas et d’Europa League. Et il arrive chez le 15e de Ligue 1 ! Sauf résurrection biblique, Ola ne pourra jouer de suite le Sauveur des Rouge et Noir. Pas encore. Il devra déjà trouver sa place dans le collectif rennais qui joue toutefois en 4-3-3, ce qui peut aider. Autre écueil : il ne faut pas trop se focaliser sur le nombre très élevé de buts qu’il a marqué au PSV (61 pions pour 139 matchs). Ce ratio prometteur doit beaucoup au fait que le PSV est une équipe qui marque beaucoup, voire énormément (103 buts en Eredivisie, la saison passée). De plus, le chatoyant championnat néerlandais offre des possibilités offensives et des espaces qu’on ne trouve pas dans une L1 bien cadenassée. Ceci dit, « au physique et à la technique » , Ola Toivonen a fait partie de ces joueurs du PSV qui contribuaient à faire sauter le verrou de défenses renforcées d’Eredivisie. Mais disons qu’en France, on lui laissera nettement moins le temps de jouer les ballons.
On peut ajouter au détriment du Suédois qu’il appartient à la génération lose du PSV qui n’a plus jamais regagné le titre de champion des Pays-Bas depuis 2008. Toujours sur le podium, mais jamais sacré. Il a été de ce groupe PSV pourtant talentueux qui a été mazouté par ces échecs successifs. À son palmarès, Toivonen n’a remporté que la Coupe des Pays-Bas 2012. Son expérience européenne marquée par son record de buts inscrit pour le club PSV (13 buts) n’est pas grandiose non plus. En sélection, s’il demeurait l’un des appelés réguliers, il n’a pas joué les barrages contre le Portugal, et la Suède ne jouera pas la Coupe du monde 2014 au Brésil… On peut saluer la perspicacité du Stade rennais d’être allé recruter aux Pays-Bas, après les arrivées dans le passé des Hollandais Mario Melchiot ou John Verhoek. Mais d’autres très bons joueurs d’Eredivisie au profil moins « risqué » (aujourd’hui, hein !) que Toivonen auraient aussi pu faire l’affaire, avant qu’ils ne fassent le grand saut dans de grands clubs européens. Des cracks qui étaient encore abordables pour pas mal de clubs de L1 : Dušan Tadić (FC Twente), Davy Pröpper (Vitesse Arnhem), Hakim Ziyech (Heerenveen)…
Par Chérif Ghemmour