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Algérie-Côte d’Ivoire, un gaou à Oran
Sommet des quarts de finale et toile de fond d'un clip ayant permis au 113 et au Magic System d'ambiancer la France en 2004, le duel entre les Fennecs et les Éléphants a également offert au continent le match le plus spectaculaire de la CAN 2010. Et une nouvelle désillusion pour la génération dorée de la Côte d'Ivoire, éliminée au bout de la prolongation (3-2) par des Algériens pugnaces qui, deux mois après le miracle en barrage de Coupe du monde, avaient enrichi leur légende d'un nouvel exploit.
L’édition 2010 en Angola sera la bonne, ils en sont persuadés. Qualifiée pour la Coupe du monde pour la seconde fois consécutive, la Côte d’Ivoire de Drogba, Yaya Touré, Zokora, Kalou et consorts va enfin régner sur l’Afrique. Stoppés deux fois par l’Égypte dans sa quête du graal continental (en finale en 2006, en demies deux ans plus tard), les Éléphants cornaqués par Vahid Halilhodžić ont rendez-vous en demi-finales avec leurs bourreaux. À condition que les Pharaons sortent le Cameroun, et que les Ivoiriens passent l’écueil algérien en quarts. L’écueil est redoutable, une équipe de guerriers née 55 jours plus tôt, à Omdurman au Soudan.
Depuis la qualification pour le Mondial sud-africain et ce barrage épique remporté (1-0) face à ces mêmes Égyptiens, les hommes de Rabah Saadane ne sont plus les mêmes. Al Khadhra – la verte, surnom de la sélection algérienne – après avoir été surclassée par le Malawi (3-0) pour son entrée en lice, trouve les ressources pour passer le premier tour de la CAN grâce à une solidité collective qui tranche avec sa descendante actuelle, beaucoup plus joueuse. Et utiliser le terme « descendante » pour qualifier le cru 2015 n’est pas trop fort, tant la ligne d’attaque vintage alignée à Cabinda le 24 janvier 2010 paraît sortie d’une autre époque : le batailleur Ghezzal, Matmour, l’ancien joueur de l’OM Karim Ziani, et Mourad Meghni, qui a vécu avec l’Algérie le sommet trop bref d’une carrière tourmentée et loin des attentes suscitées en France.
La Côte d’Ivoire n’arrive pas à faire le break
L’entame de match des Verts est catastrophique. Parfaitement servi à la limite du hors-jeu par Yaya Touré, Salomon Kalou ouvre le score dès la 4e minute. Et c’est déjà logique tant l’Algérie, asphyxiée par le pressing ivoirien, galère sur chaque accélération de Gervinho. Drogba, rattrapé in extremis par Bougherra puis Halliche, manque à deux reprises d’enfoncer des Fennecs au bord de la rupture pendant près de 25 minutes. Rabah Saadane est prostré sur son banc, et l’emblématique commentateur algérien d’Al Jazira Sports, Hafedh Darragi, est en apnée. Entre les « Oh là là » sonores qui ponctuent chaque action, même les touches au niveau du rond central, et les digressions philosophiques de type « Nos guerriers n’arrivent pas à bouger l’Éléphant, créature la plus imposante du règne animal » , Darragi livre tout de même une analyse prémonitoire : « Si les Ivoiriens ne se dépêchent pas de marquer le deuxième pendant qu’on est encore à la rue, ils vont le regretter » . C’est le moment que choisit l’Algérie pour sortir la tête de l’eau. Mansouri et Yebda serrent les lignes, remettent le pied sur le ballon, et permettent aux milieux offensifs d’aller porter le danger dans le camp ivoirien. Matmour concrétise le temps fort à la 40e minute en égalisant d’une belle frappe du droit.
Le but libère les Algériens, qui vont dominer pendant toute la seconde période et profiter des espaces béants laissés par les protégés d’Halilhodžić. Meghni prend la mesure de Tioté et l’élimine sur chacune de ses prises de balle, Ziani vole sur son aile droite. Matmour affole Saka Tiéné, et manque un face-à-face avec le gardien Barry. C’est au tour de la Côte d’Ivoire de tanguer. Les joueurs s’invectivent, Drogba traverse le terrain pour aller recadrer sa défense, Vahid hurle à n’en plus finir. Mais la Côte d’Ivoire, au bord du précipice, frappe à un moment inattendu, et se trouve un héros inattendu. Entré à la place de Kalou, le fantasque Kader Keita place un missile des 25 mètres pleine lucarne. 2-1 pour les Éléphants, on joue la 89e minute, cet exploit individuel monstrueux a crucifié les Fennecs, pense-t-on.
L’indiscipline ivoirienne, le show Chaouchi
Perdu. Déterminée à réagir et tenter le tout pour le tout dans les arrêts de jeu, l’Algérie trouve son salut dans l’indiscipline tactique adverse et un manque de rigueur indigne d’une équipe dirigée par l’ex-entraîneur du PSG. Sur le centre de Belhadj, les Ivoiriens sont trois à défendre dans leurs 6 mètres, face à trois Algériens. Bougherra ne se fait pas prier pour placer sa tête et remettre les 2 équipes à égalité (2-2). Cette générosité ne se limitera pas à un seul cadeau, et la Côte d’Ivoire refait le coup au début de la prolongation. Centre de Ziani, Kolo Touré et Bamba sont seuls face à quatre Algériens, et Hameur Bouazza, qui a remplacé Meghni, donne à son pays un avantage (3-2) qu’il gardera jusqu’au bout.
Le reste de la prolongation est une tragédie grecque comme on n’en fait plus. L’agité du bocal qui sert de gardien de but à l’Algérie, Faouzi Chaouchi, sort le grand jeu : parade décisive face à Drogba, dégagement en coup du foulard, deux blessures. Cerise sur le gâteau, Kolo Touré voit son but à la 122e refusé pour un hors-jeu inexistant. L’arbitre seychellois Eddy Maillet siffle la fin de la rencontre, le peuple algérien peut laisser sa joie s’exprimer, à grands coups de klaxons et de fumigènes. La suite de l’histoire, on la connaît. La Côte d’Ivoire vire Vahid et engage Sven-Göran Eriksson. Contrat de trois mois, paie de près de 700 000 dollars, élimination au premier tour du Mondial 2010. La perfection. Le coach bosnien, quant à lui, a tiré les leçons de l’adage du Magic System, « pour ne pas être décalé, il faut savoir se positionner » , et s’est donc positionné chez les Fennecs, qui lui ont offert l’occasion de vivre enfin une Coupe du monde dans la peau d’un sélectionneur en 2014. Une belle revanche sur le destin.
Tous les buts
Et évidemment, le bonus
Par Farouk Abdou