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Alberto Pigro Guerrini : « Aller au stade, c’est comme aller en rave »

Par Matthieu Rostac
5 minutes
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Pendant deux semaines, le Point Éphémère met à l'honneur avec l'exposition Gabber la culture du même nom. Un mouvement hardcore qui trouve son origine en plein Rotterdam, et notamment dans les travées de De Kuip, le stade mythique du Feyenoord. Il n'en fallait pas moins pour qu'Alberto « Pigro » Guerrini, DJ, blogueur et accessoirement fan de l'Atalanta Bergame, nous explique les similitudes entre football et Gabber.

Tu viens de Bergame, c’est ça ?

Bergame, ouais. Supporter de l’Atalanta Bergamasca Calcio. Je suis pas un vrai supporter au sens premier du terme : je suis les résultats, je regarde des matchs de temps en temps. Forcément, je me rappelle Nicola Ventola, de Cristiano Doni. Cristiano Doni, c’est vraiment le héros local. Il a été déstabilisé par le Calcioscommese parce que tout le monde a commencé à se demander pourquoi il avait fait ça. Ensuite, on a découvert qu’il avait une addiction au poker et qu’il avait besoin de liquidités rapidement, donc il a été utilisé comme marionnette pour participer au truc. Nous, on le considère toujours comme un héros local, mais les ultras, eux, sont beaucoup plus véhéments. Ils disent des trucs comme : « Si on le voit dans la rue, il va passer un sale quart d’heure » , etc. Il leur a brisé le cœur. Maintenant, on a Giacomo Bonaventura. Il est trop cool… (Il s’arrête). Non, en fait, il est pas si cool. Mais c’est le roi de l’Atalanta, désormais. Mais qu’est-ce que tu veux, à l’Atalanta, on est très connus pour notre centre de formation. Donc tu formes des joueurs pendant deux ans et ils partent dans de meilleurs clubs derrière. Et tous les trois ans, ton équipe est complètement différente.

Tu vas au stade, un peu, parfois ?

Maintenant, je suis DJ, donc le dimanche, je dors ! (rires) Mais quand j’étais adolescent et que j’avais beaucoup plus de temps pour rien foutre, tous les dimanches, j’allais au stade. J’allais avec les ultras de la Curva Nord, l’endroit le moins cher du stade et avec la meilleure ambiance : ils chantaient, fumaient, buvaient des bières. Depuis quelques années, il est désormais interdit de boire dans les stades, mais je sais pas, le stade, c’est comme aller en rave. J’adore le principe que dans les tribunes, ce soit plus qu’une affaire de sport, que ce soit dans le bon comme dans le mauvais sens du terme. Le football se transforme en quelque chose de sociétal. Et pour ça, on peut comparer le football au mouvement Gabber. Tu connais De Kuip ?

Oui, le stade du Feyenoord Rotterdam.

Ouais. Juste à côté de De Kuip, il y a cette boîte, le Legion Hall. Quand le Feyenoord gagne, le lieu ouvre ses portes et des DJ jouent de la musique hardcore. C’est assez impressionnant : t’as des vidéos sur Youtube filmées du point de vue du DJ et tu vois ces grandes portes qui s’ouvrent et ces mecs qui débarquent en chantant des chants de supporters de Rotterdam. C’est pas que du foot, c’est carrément un style de vie. Mais attention, c’est pas un truc de touriste, c’est un truc d’initiés. Vaut mieux faire profil bas si tu te pointes là-bas. Il y a une vraie connexion entre le mouvement Gabber et le Feyenoord Rotterdam. La première fois qu’il y a eu une grande manifestation Gabber, c’était à De Kuip. Et un des grands groupes pionniers de Gabber, les Euromasters – appelés comme ça en raison de la tour Euromast de Rotterdam – a nommé son premier album Amsterdam Waar Lech Dat Dan ? (qui signifie « Vous êtes où Amsterdam ? On vous entend pas ! » ) Et ce titre, c’est un chant de supporters du Feyenoord. Forcément, c’est un gros hit, en tribunes comme en club. Tous les albums des Euromasters sont orientés vers la culture hooligan de Feyenoord. Ils ont même refait la musique d’entrée des joueurs au stade en y accolant de la grosse basse. Maintenant, le mouvement Gabber s’est popularisé et quasiment tous les clubs des Pays-Bas utilisent du Gabber pour faire l’entrée des joueurs, l’annonce des buts ou de la victoire finale.

Comment tu expliques cette forte connexion ?

Il faut savoir que le mouvement prend ses racines dans le New Beat, un style de musique belge. Rotterdam n’est pas la ville la plus au sud des Pays-Bas, mais elle l’est en tout cas plus qu’Amsterdam. En plus, Amsterdam est une vraie métropole européenne et leurs habitants sont un peu bourgeois, élégants. Rotterdam, c’est vraiment hard. Une ville ouvrière, complètement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale et qui a dû repartir de zéro. Je pense que la majeure partie des hooligans – je sais que c’est un cliché, mais c’est un peu vrai – ne vient pas d’un milieu social élevé, n’a pas fait d’études. Ils ne veulent pas penser à trouver un boulot, à avoir une vie de merde. C’est pour ça qu’ils vont au stade et qu’ils vont dans des soirées Gabber. Ils veulent juste profiter de la vie. Si t’écoutes du Gabber, ça te baise la tête. C’est avant tout une histoire de passion et, par exemple, quand t’es un ultra, tu gardes ça toute ta vie. C’est un virus. C’est la même chose avec la culture Gabber.

C’est un mélange que tu retrouves aussi en Italie ?

En Italie, il y a deux clubs célèbres pour la musique Gabber, dont le Florida à Brescia. Il y a une connexion entre la scène Gabber et les supporters de Brescia, mais ça n’est pas très fort. Et tu vois, je suis pas sûr que Roberto Baggio écoute du Gabber. Lui, il est plutôt du genre bouddhiste, donc il doit écouter les compilations Buddha Bar ! (rires) Ceci dit, il y a une rumeur qui tourne à Brescia qui veut qu’à l’époque, un joueur de la Primavera préférait aller s’éclater dans des raves plutôt que de jouer pour le Brescia Calcio. Je peux pas te dire si c’est une légende ou une histoire vraie. Par contre, Balotelli, avec son style et la musique de merde qu’il écoute, je le verrais bien se mettre au Gabber. Il est bien catchy pour ça ! (rires)

Le site de l’exposition Gabber Le blog d’Alberto Pigro Guerrini

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