Tu sais que tu es supporter du Red Star quand…
Par Florian Lefèvre, Lucas Duvernet-Coppola et Nicolas Ksiss-Martov
... tu chantes « Étoile rouge ! » juste pour faire chier les supporters qui mettent des drapeaux tricolores à tout bout de champ.
... tu chantes « Banlieue rouge ! » même si la mairie est désormais aux mains de l'UDI.
... ton joueur argentin préféré, c'est José Farías. Tu laisses Maradona à Naples.
... tu as plus de 40 ans et tu as connu le vrai Red Star.
... tu ne t'y feras jamais, Red Star Olympique Audonien, ça avait quand même plus de gueule que Red Star Football Club 93.
... tu ne mets désormais tes Fred Perry et tes Docs que pour aller au stade.
... tu as même des potes qui ont joué dans la section rugby du Red Star.
... tu es capable de dire de Jules Rimet qu'il a fondé le Red Star avant de lui attribuer la paternité de la Coupe du monde.
... quand on te parle de la fusion avec Toulouse, tu n'as pas besoin d'aller sur Wikipédia pour comprendre.
... tu te poses des questions aussi peu pertinentes que de savoir si Patrice Haddad ne va pas être le Aulas du 9-3.
... il te reste des jetons de casino dans les poches, mais c'est pour payer ton merguez-frites au stade.
... tu as du mal à reconnaître que le dernier titre, une Coupe de France, date de 1942.
« Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star »
Quelques années plus tard, le club amorce sa seconde mue. D'un côté, le club est aux premières loges de la création du championnat de France de football professionnel, auquel s'oppose pourtant Jules Rimet, devenu entre-temps président de la Fédération française de football. De l'autre, l'arrivée des usines lourdes dans le Nord de Paris, et notamment à Saint-Ouen, bouleverse le paysage et la démographie du coin, transformant les petites échoppes bourgeoises en un tissu de maisons ouvrières. En outre, l'apparition du Front populaire en 1936 amorce une vague d'avancées sociales sans précédent. Et pendant que Léon Blum annonce la création des congés payés et des quarante heures de travail par semaine, le Red Star échoue deux fois en demi-finales de Coupe de France malgré sa paire d'ailiers virevoltants Aston et Simonyi. Le club audonien doit attendre les heures les plus noires de la France pour briller une nouvelle fois en Coupe nationale. Dans une France occupée par les nazis, les Vert et Blanc, parmi lesquels un certain Helenio Herrera, parviennent à remporter le trophée en 1942 face à Reims. Cependant, une ambiance lourde plane au sein de l'effectif : l'entraîneur par défaut est soupçonné d'être un collabo, tandis que le capitaine, Léon Foenkinos, est d'obédience judaïque. Surtout, un petit jeune qui vient d'intégrer le groupe pro cette année-là s'illustre d'une tout autre manière. Rino Della Negra, six mois passés au Red Star durant la saison 1942-43, intègre la résistance au sein du groupe Manouchian, popularisé par l'Affiche rouge placardée sur tous les murs de la France de Vichy. Dès lors, les rumeurs les plus folles courent sur ce fils d'immigré italien, notamment celle qui veut qu'il ait caché des armes dans le Stade de Paris. Tristement, la vérité est tout autre. Parmi vingt et un autres, dont Missak Manouchian, Rino Della Negra est fusillé au mont Valérien le 21 février 1944. Avant de partir, l'aspirant-joueur du club audonien envoie une lettre à son frère : «
Embrasse bien fort tous ceux que je connaissais. Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star. » Parce que la guerre fait taire les hommes, les liens ténus entre Rino Della Negra et le club audonien demeurent inconnus du grand public pendant longtemps. En 2004, pour les soixante ans de sa mort, une plaque commémorative est installée devant le stade Bauer, stade qui doit d'ailleurs son nom au docteur Jean-Claude Bauer, autre résistant de renom à Saint-Ouen. Dans ce berceau d'engagement et de lutte face à l'oppression, le Collectif Red Star-Bauer décide de faire de Rino Della Negra son porte-drapeau. Littéralement. À chaque match, l'association brandit une banderole avec le portrait du résistant, accompagnée du chant «
Tribune ! Rino ! Della Negra ! » , le collectif militant pour que sa travée soit honorée du nom de ce dernier. Vincent Chutet-Mezence explique : «
Rino Della Negra, ça nous correspond beaucoup. On a eu de grands joueurs, mais en tant que supporters, il n'y a pas que ce club dont on est fous amoureux. Il y a tout ce contexte autour, et Rino Della Negra représente bien ce lien entre les deux. »
Des magouilles au sein de la banlieue rouge
C'est que le club devient vite la propriété «
intellectuelle et morale » des supporters et des gens du coin, dépassant le simple cadre du sportif, bien aidé il est vrai par quelques coups du destin. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le rouge flotte sur toutes les villes qui jouxtent Paris au nord, et la municipalité de Saint-Ouen devient pour la première fois communiste. Fernand Lefort, maire élu en 1945, restera en place jusqu'en 1979. C'est la naissance de ce que l'on va communément appeler la «
banlieue rouge » . Une dénomination tellement symbolique qu'elle résonne encore aujourd'hui dans les tribunes du stade Bauer sous la forme d'un chant de supporters : «
Hou ! Ha ! Banlieue rouge ! » Pierre Hercy, secrétaire du Collectif Red Star-Bauer, ne cherche pas à masquer ce «
côté militant, engagé que l'on retrouve dans le Red Star » , tandis que son oncle Olivier lâche, entre deux bouffées de cigarette, un «
Qu'on le veuille ou non, le Red Star, c'est connoté. » Ou quand le Red Star devient l'étoile rouge. Sur le terrain et en coulisses, les résultats en dents de scie et les magouilles ternissent l'image de rempart solidaire du club. S'il reste dans l'élite pendant cinq ans, de 1945 à 1950, il descend vite à l'échelon inférieur après la séparation du Red Star et du Stade français cette même année. Le club végète en D2 et se retrouve même inquiété par une affaire de corruption durant la saison 1954-55. Paul Nicolas, ancien du Red Star et alors président du groupement des clubs professionnels (ancêtre de la LFP, ndlr), empêche le Red Star de monter en D1 à l'issue de la saison. En cause ? Des versements de 10 000 francs faits à des adversaires... Charles Nicolas (aucun lien), l'entraîneur audonien, est radié à vie du football français pendant que le président Zenatti, considéré officiellement comme innocent, est banni pendant trois ans. Peut-être Zenatti paye-t-il sa mauvaise réputation, bien connue sur Paris, de gérant de tripots... Rebelote cinq ans plus tard quand le gardien hongrois de Nantes Lehel Somlay se voit proposer la somme de 20 000 francs par un inconnu à son domicile... Qui n'était autre que le trésorier du Red Star. En conséquence, le club repartira en DH Paris, la cinquième division de l'époque. Pour la première fois, la municipalité communiste de Saint-Ouen vient mettre le nez dans les affaires du club et cinq ans plus tard, sous la coupe de l'entraîneur Jean Avellaneda, le Red Star retrouve l'élite... Pour redescendre l'année suivante. C'est alors que débarque un homme providentiel : Jean-Baptiste Doumeng.
Eusébio, Bellion et Promo Gévaudan
Surnommé le «
milliardaire rouge » , cet entrepreneur au physique bonhomme surplombé de lunettes à grosse monture façon Jean-Paul Sartre devient membre du PCF à seize ans, avant de faire fortune grâce au bloc soviétique. Deux termes qui, en principe, ne s'accordent pas, mais qui, d'après Didier Daeninckx, historien de la Seine-Saint-Denis, tombe sous le sens avec Doumeng. «
Il fait fortune en important des tracteurs soviétiques "increvables"
en France, puis en faisant dans l'agro-alimentaire. Doumeng, c'est un communiste intégral et une sorte de génie des échanges commerciaux, aussi. C'est un personnage sulfureux parce que le principe de toutes ses sociétés, c'est l'opacité. » En matière de football, s'il ne délaisse pas son goût pour le soufre, Doumeng joue en revanche carte sur table. Président du Toulouse FC, le natif de Lavernose-Lacasse est dans le viseur de la mairie socialiste de la Ville rose. À l'image d'un propriétaire de franchise NBA, l'homme d'affaires délocalise
manu militari son équipe... à Saint-Ouen. Pour le plus grand bonheur du club du Nord de Paris qui, finalement, se maintient en D1 avec un effectif complètement renouvelé, sans doute plus compétitif et aux teintes rouges sur son vert et blanc. Cette manœuvre est d'ailleurs à l'origine d'une règle dans le football français interdisant à deux clubs distants de plus de quinze kilomètres de fusionner. Le Red Star reste en première division jusqu'à la saison 1972-73, durant laquelle Doumeng et Zenatti choisissent tous deux de se retirer du club, tandis que l'équipe descend en D2. La municipalité remet à nouveau son nez dans les affaires du club et décide de nommer Paul Sanchez, premier adjoint à la mairie, président du club. Étonnamment, le Red Star flambe durant les mercatos et attire d'anciennes gloires du foot français : Nestor Combin, Roger Magnusson, Fleury Di Nallo ou encore Jean-Claude Bras, sous les ordres de l'Argentin José Farías. Historiquement, le Red Star est toujours parvenu à faire venir de grands joueurs en raison de la proximité avec la ville de Paris. Mais pas que. Plus tard, Safet Sušić, Tony Cascarino et plus récemment David Bellion signent pour les Vert et Blanc. À ce titre, Bellion déclare notamment au site 20Minutes.fr : «
Ici, il y a aussi quelque chose de plus brut, comme quand tu pars gamin jouer avec ton sac sur le dos. Les supporters t'encouragent tout le temps. Tu prends un but, ils applaudissent, tu marques, ils applaudissent. On se croirait en Angleterre. » Sentiment partagé par le directeur sportif Steve Marlet. Selon lui, «
quand on veut faire venir un joueur, on lui parle de l'histoire du club. On parle de ce second club parisien avec d'autres valeurs que l'argent » . Si la pléiade de stars signée dans les
seventies aide le club à remonter en D1, il fait également l'ascenseur l'année suivante, en 1975. Le Red Star ne le sait pas encore, mais cette année est la dernière que le club passera dans l'élite. Devant le fiasco total, et parce que le club coûte trop cher aux pouvoirs publics, la mairie communiste retire ses billes du club et fait d'un certain Jean-Claude Massot le nouveau président des Vert et Blanc. Propriétaire de la société Promo Gévaudan, l'entrepreneur n'a que 29 ans et des promesses plein la tête. D'abord, celle de faire du Red Star le club des régions délaissées et pas uniquement celui de la banlieue rouge. Ensuite, celle de faire venir la légende portugaise Eusébio qui, soi-disant, serait intéressée par une pige à Saint-Ouen. Bien évidemment, rien de tout cela n'arrivera. Massot ne verse pas un seul centime dans les caisses du Red Star et quitte un navire, dont il est censé être le capitaine, en train de couler. Le Red Star a un genou à terre. Le second tremble fébrilement alors que la liquidation judiciaire du club est annoncée.
Tu sais que tu es supporter du Red Star quand…
... tu n'as pas envie que ton club devienne à François Hollande ce que le PSG est à Sarkozy.
... tu es étrangement fier qu'Anthony Guy Cascarino, joueur de Millwall et du Celtic Glascow, ait aussi (un peu) joué au Red Star.
... tu adores raconter de belles histoires sur Pierre Chayriguès, gardien des Bleus et du Red Star, et amateur marron en 1925.
... tu as clashé Claude Askolovitch sur Twitter le soir du dernier Red Star – OM au stade de France.
... tu as suivi le club à La Courneuve, et en transports en commun.
... tu as vu le Red Star taper l'OM, 2 à 1, à domicile au milieu des fumis et des bastons en 1994.
... tu t'en fous du Stade de France, de Beauvais ou d'un nouveau stade à Saint-Ouen, car le Red Star, c'est à Bauer !
... tu sais qui étaient les Partizans 93.
... tu kiffes bien le nom des Perry Boys, mais tu n'arrives pas à oublier Manchester pour autant.
... tu penses que Red Star/PFC, c'est aussi puissant qu'un derby OL/ASSE.
... tu as acheté le dernier album du 8°6 Crew juste pour la pochette.
... tu sais que dans le groupe Manouchian de la FTP-MOI, il y avait Rino Della Negra, mort fusillé pour la France et contre le fascisme, en pensant à ses copains du Red Star.
... l'étoile rouge, c'est un nom qui te parle. Tu serais pas de gauche, par hasard ?
... tu fais semblant d'oublier que le nom Red Star, en fait, ce serait un hommage à une employée anglaise de la famille Rimet.
... tu avais appris deux mots en serbo-croate pour encourager Safet Sušić en 1992.
... les Puces de Saint-Ouen, tu trouves ça super. La guitare manouche dans les petits rades alentour aussi.
... tu le répètes toujours aux néophytes, le foot, c'est pas une question de résultat, mais d' « âme » .
Réactions (6)
c'est la version des Adicts!
https://www.youtube.com/watch?v=lIYrffNGp90
bien que celle de gerry and the peacemakers est quand meme incontournable
a gang green fan from brussels